1986 – 9(2)

II

«  Un astre ressemblant à un sabre se tint au dessus de la ville : c’était une comète qui a duré un an. Ceci se passa avant la défection et l’agitation pour la guerre… Pendant la nuit, l’autel et le temple furent enveloppés d’une lumière si vive, que l’on se croyait en plein jour, un jour radieux ».
Passage de la comète de Halley en 66 ap. J.C.
Flavius Josèphe, Guerre Judaïque, VI, 5

P/Halley, c’est ainsi qu’on dénomme un petit fragment de matière interstellaire qui nous revient tous les soixante seize ans.

Une comète, c’est un « rien », lumineux et chevelu, qui traverse l’espace au voisinage du soleil. Avant l’utilisation des télescopes, on en découvrait quatre ou cinq par siècle à la condition qu’elles soient brillantes et munies d’une longue et impressionnante queue diffuse. Voici trente ans on en trouvait une dizaine par an et, aujourd’hui, le bilan de la chasse aux comètes se monte à une vingtaine par an. Le plus grand nombre est constitué d’astres invisibles à l’œil nu.

Alors que les planètes se meuvent autour du Soleil sur des orbites quasi-circulaires situées à peu de chose près dans le même plan que celui de l’orbite terrestre (le plan écliptique), les comètes se singularisent par des orbites allongées, elliptiques fort excentriques. Les plus proches circulent sur des trajectoires dont les plans ne s’écartent guère de plus de vingt degrés du plan écliptique. Les plus lointaines, celles qui nous viennent de tellement loin qu’il n’est pas possible d’en déterminer la période (trop longue) et l’excentricité (voisine de 1) – on les dit « paraboliques » – ainsi que celles qui se « décrochent » d’un point de l’espace pour effleurer le Soleil et repartir à l’infini – on les dit « hyperboliques » – semblent provenir de n’importe quelle direction de l’univers. Les comètes proviendraient d’une région de l’espace située à la frontière du système solaire, une « réserve de Oort » du nom de l’astronome néerlandais qui en formula le premier l’hypothèse.

Elles sont ainsi messagères de la région située entre le Soleil et les étoiles les plus proches. La matière interstellaire y est constituée de quatre-vingt cinq pour cent d’hydrogène de quatorze pour cent d’He, de C, N, O, Fe, Si, Ca et de tous les autres corps de la nature. A cinquante ou cent mille fois la distance Soleil – Terre (c’est l’unité astronomique), le rayonnement du Soleil ou des étoiles est dix milliards de fois moindre que sur Terre. Aux températures extrêmement basses qui règnent dans ces régions « interstellaires » (30 à 70 Kelvin), l’atome d’hydrogène émet ou absorbe un rayonnement sur 21 cm de longueur d’onde et l’eau s’y détecte par une radiation sur 1,3 cm. Ce sont là des composants essentiels des comètes.

A dix Unités Astronomiques, une comète devient observable et identifiable parce que son petit noyau (quelques km de diamètre) s’auréole d’un nuage sphérique constitué des gaz qui s’en échappent. Ce noyau est un agrégat plus ou moins cohérent de structures silicatées et de glace ou neige d’eau, de dioxyde de carbone ou d’ammoniac. Il réfléchit le rayonnement solaire qui lui parvient cent fois plus faible que sur la Terre. A partir de cette distance (voisine de celle de la planète Saturne) la coma ou chevelure gazeuse se constitue.

Au fur et à mesure qu’une comète s’approche du Soleil, sa chevelure prend de l’importance et, aux gaz libérés, s’ajoutent des poussières. Des mécanismes de diffusion de la lumière par ces poussières et de réémission fluorescente des rayonnements solaires s’installent. Quand la comète pénètre plus profondément au cœur de l’héliosphère, les poussières microscopiques sont repoussées à l’opposé du soleil par la pression de radiation. La queue cométaire se constitue. Combinant la vitesse d’échappement des poussières, la vitesse de la comète et la force qui résulte de cette pression, la queue poussiéreuse adopte une forme incurvée, longue parfois de centaines de millions de kilomètres et large de quelques dizaines de milliers de kilomètres. En diffusant la lumière solaire, elle forme un long bandeau sur le ciel selon l’angle sous lequel on la voit depuis la Terre.

Le rayonnement X et UV solaire excite les atomes de la chevelure, en arrache les électrons, les ionise et, par interaction avec le flux permanent de l’évaporation solaire (le vent solaire) constitue une seconde queue plus rectiligne que l’autre, souvent multiple et perturbée qui révèle les inhomogénéités du flux solaire et les instabilités qui se manifestent à l’intérieur du noyau cométaire, boule de neige incrustée de cailloux ou agrégat de petits corps cimentés plus ou moins solidement entre eux par les glaces ou les neiges.

En se rapprochant du Soleil, les comètes deviennent de plus en plus brillantes, bien que la proximité de l’astre du jour les rendent moins aisément observables. Les anciens citent des comètes visibles « en plein midi » à côté du Soleil. Avec le coronographe solaire, on peut parfois suivre leur approche et observer la rupture de leur noyau, insuffisamment solide. Parfois une comète se perd dans le Soleil, grain infime qui ajoute ses quelques tonnes aux milliards de tonnes d’hydrogène qui constituent l’essentiel de notre étoile.

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