1986 – 9(1)suite

1) Définition de la recherche.

Compte tenu du temps disponible, d’une première estimation des possibilités documentaires, voire des facilités financières, la recherche peut être étendue verticalement et horizontalement. Il est cependant nécessaire de la définir nettement, car cela déterminera la suite des opérations.

Les limites chronologiques, géographiques et techniques doivent être précises. Il y a par exemple une grande différence entre la typologie des grosses exploitations agricoles en Hesbaye au 18e siècle, et les développements de l’industrie chimique et de l’agro-alimentaire en Belgique dans les années 1850-1950.

2) Dépouillement de la bibliographie.

En fonction de la définition de la recherche, le dépouillement se fera sur divers plans:

– bibliographies historiques classiques (Pirenne, Revue du Nord, Revue Belge de Philologie et d’Histoire);

– bibliographies particulières à une région ou à une époque, à partir notamment de revues locales ou de revues consacrées à l’étude de telle ou telle époque;

– bibliographies relatives à l’histoire de l’art, avec un coup d’œil particulier pour le chapitre qu’elles consacrent à l’iconographie;

– bibliographies des revues d’histoire des techniques et aussi, à partir du 19e siècle, des revues techniques industrielles, commerciales ou scientifiques, spécialisées ou non. Ces revues peuvent notamment contenir une iconographie sous forme de publicité illustrée. Les périodiques d’information générale peuvent aussi apporter des éléments de ce genre;

– recensement des catalogues d’expositions éventuelles;

– contrôle général et essai de bibliographie comparative au moyen des grandes
bibliographies internationales (Répertoire d’art et d’archéologie, Bibliographies internationales des articles et des comptes rendus, etc.).

Ce dépouillement bibliographique peut paraître fastidieux et inutile. Il n’en est rien. C’est une mise de fonds indispensable qui non seulement empêche de coûteuses (en temps perdu) redites mais permet aussi des comparaisons originales et, partant, le véritable avancement des travaux tout en les empêchant de n’être qu’une sèche analyse. Le dépouillement bibliographique bien conçu donne également automatiquement les directions à suivre pour le dépouillement des « sources ». Il est enfin un premier pas dans le prudent domaine de la critique historique.

3) Dépouillement des sources.

Partant de la définition de la recherche et du dépouillement bibliographique, il sera relativement facile de trouver accès à l’iconographie des sites, bâtiments, ouvrages et matériel lourd. Pour des périodes plus reculées, les grandes institutions à visiter ne seront pas non plus tellement difficiles à déterminer. La complication commence avec le matériel léger, les outils portables, les produits finis et les matières spéciales élaborées pour tel ou tel type de fabrication. Car ce qui compte, c’est de voir, de bien voir, sinon de toucher, de recueillir sa propre documentation photographique et de comprendre les processus techniques.

J’ai toujours plaidé pour que les historiens de l’art comprennent l’importance des recherches archivistiques. Il en va de même en archéologie industrielle. Comptes, règlements corporatifs, procés, rapports d’experts, mémoires accompagnant des demandes d’octroi, inventaires après décès, contrats, demandes de brevets, journaux privés, descriptions de voyageurs, correspondance technique, archives d’entreprises, rapports de fouilles, etc. tous ces documents écrits fourniront d’importantes précisions sur la fabrication, la composition, l’utilisation, la morphologie des objets dont on veut faire l’étude; l’iconographie y occupe une place importante. Il n’est pas possible de vouloir s’en passer. Au chercheur de passer en revue les dépôts d’archives et de se demander devant chaque fonds s’il est susceptible ou non de lui fournir de la matière.

Ceci dit, le dépouillement iconographique garde toute son importance et son charme. Il se conjuguera avec les fiches déjà réalisées à partir des travaux imprimés et des écrits inédits. Ces fiches doivent être établies avec soin afin d’épargner le double travail, le retour sur soi-même, les erreurs de référence. Elles doivent donc aussi être suffisamment complètes et constituer une pierre apportée à l’édifice (voir 5°, Classement de la documentation).

La documentation n’est pas concentrée dans une aire géographique locale ou régionale et elle est souvent privée. Il faudra donc avoir recours à des annonces, des sondages, des intermédiaires, des enquêteurs bien introduits. Parfois, et même souvent, la recherche doit se faire sur un plan international. Il ne faut pas oublier qu’il y a des carrosses bruxellois à Cobourg, des armes liégeoises à Varsovie, des tramways belges au Caire, du matériel médical en Arabie. Sciences, techniques et industries sont soumises à un phénomène chronogéographique; des machines tout à fait périmées, voire complètement oubliées dans nos régions peuvent fort bien être encore opérationnelles ailleurs; c’est le cas par exemple pour des métiers à tisser du 19e siècle qui sont utilisés dans des fabriques au Bangladesh. Ici aussi, la lecture de la bibliographie et des archives peut mettre le chercheur sur des voies intéressantes.

4) Critique des sources iconographiques.

L’historien est méfiant par définition. Les exploitations, le matériel, les instruments ont évolué; ils ont subi des améliorations, des modifications, parfois des falsifications; il en va de même pour les documents qui les représentent. Ces documents ne sont pas toujours parmi les mieux étudiés et les mieux conservés. Néanmoins, toujours avec l’aide de la bibliographie et des sources archivistiques, le problème de la datation et de la localisation ne doit pas être insurmontable. Paradoxalement, c’est peut-être pour le 20e siècle que les difficultés seront les plus grandes, à cause d’une part de l’évolution très rapide de la technologie, d’autre part de l’imprécision chronologique de la photographie, du cinéma ou de la vidéo, enfin du grand nombre de réalisations techniques copiées. La méthode comparative reste donc à la base de la critique.

5) Classement de la documentation

Il est fonction du but de la recherche, de son ampleur et du volume de la documentation. La fiche, ou le dossier-type, me semble devoir comporter trois indications-clés (outre la ou les photographies d’ensemble ou de détail) : la technique générale, le lieu, la date. Les autres indications ne servent qu’accessoirement au classement: nom et adresse du fabricant, dates de commande et de livraison, matériaux utilisés, propriétaires successifs, défauts, transformations et réparations, renvois à des pièces de comparaison, remarques éventuelles, provenance des photos, sources, bibliographie, et j’en passe, chaque cas étant spécifique.

6) Mise en œuvre et synthèse

Elles découlent presque automatiquement des cinq premières opérations.

Bien entendu, l’iconographie n’est pas un but en soi. Elle permet des conclusions quant à la forme d’un objet ou d’une construction, à son évolution, à sa fonction ou à la technique qui a présidé à sa fabrication. Mais comme toute autre activité scientifique, l’iconographie n’est qu’une auxiliaire de ses sœurs.

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