1983 – 6(1)

Pendant plusieurs années il remplace la politique des brevets par celle des notes à l’Académie. Il s’agit de trouver des clients; les brevets ne donnent pas lieu à publication. Les notes paraissent dans les Comptes rendus des séances, et les auteurs reçoivent des tirés à part. Elles ont l’avantage d’être clairement rédigées et de ne laisser aucune ambiguïté sur les propriétés revendiquées par l’auteur. La rédaction des brevets était telle qu’un concurrent aurait pu couvrir par d’autres brevets des inventions à peu près identiques dans un vocabulaire différent qui lui aurait permis de substituer ses droits à ceux de Gramme. Nous l’avons dit: si une émulation commençait à se développer pour la réalisation des dynamos, celles-ci restaient encore au point de vue industriel un sujet d’intérêt secondaire. Mais Gramme eut surtout la chance d’avoir affaire, dans toute sa période de création, à des personnes honnêtes qui n’ont pas été tentées de tourner à leur profit des textes imprécis.

Fig. 6. – La dynamo de Wilde, 1864.

Les notes n’ont pas été nombreuses, trois seulement après celle de juillet 71, et Gramme avait tout dit. Elles se suivent de décembre 1872, novembre 1874 à juin 1877. La première des trois n’apporte rien de nouveau; il s’agit des machines « magnétoélectriques » appliquées à la galvanoplastie et à la production de la lumière. Il s’agit donc encore d’inducteurs à aimant permanent. La possibilité d’établir un nombre quelconque de pôles est la chose la plus saillante de mon invention. C’est elle qui permettra de produire, avec une seule machine, une série de courants distincts, et de fractionner par exemple la lumière électrique. C’est en effet l’avantage réel de sa machine sur celles de l’Alliance par exemple. Les lampes à arc, pour l’éclairage public et les chantiers, étaient montées en série; lorsqu’il fallait changer les charbons de l’une d’elles toute la ligne était interrompue. L’avantage de tirer plusieurs lignes de la même machine, en quantité disait-on alors, était de limiter les interruptions générales d’éclairage. La note décrit ensuite la machine à galvanoplastie en service depuis quatre mois chez Christofle, dont l’activité industrielle ne semble pas avoir été interrompue par la Commune. Cette machine est équipée de deux électroaimants tournant, l’inducteur est également formé de deux électroaimants horizontaux « à pôles conséquents ». Gramme donne le détail de ses calculs pour répondre aux besoins de l’orfèvre pour l’argenture. Il dresse un tableau comparatif des résultats obtenus avec sa machine et avec une machine de Wilde, bien connue depuis 1864. Puis il décrit une « machine à lumière » qui doit fonctionner à une tension plus élevée que celle pour la galvanoplastie. Pour cela il a trois électroaimants fixes et trois bobines en électroaimants tournant « à pôles conséquents ». Une des bobines développe le magnétisme dans les électroaimants fixes (inducteur), les deux autres fournissent le courant qui produit la lumière. La machine est donc équipée de plusieurs anneaux. C’est cette machine qui a été providentiellement mise en marche par l’électricité terrestre. Il en donne les performances.

On voit qu’il en est encore à des systèmes relativement compliqués en ce qui concerne le rotor.

Fig. 7. – La machine de Gramme à 4 pôles pour l’orfèvrerie de Christofle, 1872.

Ces complications ont disparu deux ans plus tard d’après sa note à l’Académie du 23 novembre 1874. D’abord il énumère les machines qui ont été construites depuis sa précédente communication; elles semblent être toutes sorties des ateliers Breguet. Les machines à lumière comme celle à galvanoplastie ne possèdent plus qu’un seul anneau. La bobine excitatrice de l’inducteur étant supprimée, celui-ci est alimenté par un montage en série sur le circuit extérieur. Gramme ne paraît pas avoir encore pensé au couplage en dérivation que d’autres constructeurs utilisent déjà, semble-t-il. Il relate une bien curieuse observation dont il ne donne aucune explication; les effets observés ne sont pas très clairement expliqués avec l’excitation en série : Lorsque les machines sont en mouvement et le circuit fermé sur les bains métalliques les pôles restent les mêmes pendant tout le temps de la marche; mais dès qu’un arrêt se produit, par une cause accidentelle ou volontaire, les pôles changent de nom (c’est-à-dire de sens) de telle sorte que si l’on remettait en marche sans rien changer aux conducteurs, on ferait un travail inverse (désargenture des objets déjà argentés) … Pour éviter à cet inconvénient, j’ai imaginé de faire couper le courant automatiquement, j’évite ainsi les courants secondaires qui seuls occasionnent les changements de pôles. Il ne donne aucune explication sur son système de coupure automatique.

La machine à lumière est devenue elle aussi du même type que la précédente. C’est le modèle classique représenté jusqu’à nos jours dans les traités de physique. Gramme rapporte des observations sur les intensités d’éclairage évaluées en carcels suivant la vitesse de rotation de l’induit et fait des comparaisons avec une machine de l’Alliance.

Avec la description du modèle de la « machine d’usine » la dernière partie de sa note est fort intéressante à plusieurs points de vue. D’abord il ne fait aucune allusion au fait que l’année précédente Hippolyte Fontaine a donné à l’exposition de Vienne la démonstration de la réversibilité de la dynamo. C’est un trait qui mériterait d’être commenté. Est-ce qu’il ne croit pas à ce résultat? Est-il déjà en froid avec Fontaine? Le fait était assez important pour être signalé officiellement à l’Académie.

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