Ce texte doit être situé dans son contexte historique (cf. Broeckx 1869 : 68-70 pour les références précises des travaux cités ci-après). Paracelse (1493-1541) avait inventé un « Unguentum sympatheticum et Armarium » qui guérissait les plaies grâce à une propriété liée au magnétisme animal. Insistons bien sur le fait que cet onguent devait être appliqué sur l’arme et non sur la plaie … Cette thérapeutique, plus que singulière, a dû connaître un certain succès puisqu’elle était encore en usage au milieu du XVIIe siècle, comme le prouve un écrit du Chevalier Kenelin Digby (1603-1665), paru en 1658.
Rodolphe Goclenius (1547-1628), professeur à Marpurg, défendit les idées de Paracelse dans un traité de la guérison magnétique des plaies, paru en 1608. Le R. P. Roberti (1569-1651)[[Consulter: « M. L. G. » (Lagarde). 1851. Notice sur les Luxembourgeois célèbres. Arlon, J. Everling; I-VI + 7-56 pp. (cf. pp. 24-25 brève notice biographique avec liste des six écrits les plus importants de Jean Roberti). ]]critiqua ce travail en 1615 dans un texte publié à Trèves (Amatome magici libelli … ); Goclenius répliqua en 1617 (Synarthrosis magnetica …); Roberti réattaque en 1618-19 dans trois pamphlets, parus l’un à Luxembourg (Goclenius Heautontinorumenos …), l’autre à Liège (Metamorphosis Magnetica Calvino Gocleniana …), le troisième à Douay (Goclenius Magnus Serio delirans …). La réponse de Goclenius ne paraîtra qu’en 1625 (Mirabilium naturae liber …) , mais entretemps J.-B. Van Helmont n’était pas resté insensible à ces critiques et il avait aussi rédigé un pamphlet contre Roberti qui circula sans être publié, jusqu’en 1621, où il fut publié à Paris, à l’insu de Van Helmont. Roberti rédigea sa réplique en quelques jours et un nouvel opuscule de 100 pages parut en 1621 à Luxembourg (Curatinos magnetica …). C’est ce dernier texte qui provoqua la réplique de Van Helmont, restée inédit jusqu’en 1869. Van Helmont veut prouver par cette réfutation que tous les écrits de Roberti et le dernier en particulier ne contenaient aucun argument valable contre le magnétisme animal. De toutes manières, ce n’est pas le texte qu’on vient de lire qui est la source de l’abbé Rousseau, même s’il avait pu prendre connaissance de ce document inédit. Ce texte parle d’ailleurs de grenouilles et non de crapauds.
La liste des œuvres de Van Helmont a été dressée et commentée par Van de Velde (1929-1932), mais elle ne comporte aucune indication qui permettrait de savoir dans quel livre de Van Helmont se trouverait le passage recherché.
Il se trouve – il suffisait d’y penser – dans le travail que Van Helmont a consacré à la peste et qui fut publié pour la première fois en 1644, avec trois autres inédits, tous les quatre étant reproduits textuellement dans l’Ortus Medicinae ainsi que dans la traduction anglaise des « Opera Omnia » (Van Helmont, 1644, 1648 a, 1648 b, 1664). C’est tout à la fin des Œuvres complètes que se trouve ce passage; dans le texte consacré à la peste, il figure dans le chapitre XVII qui parle de la préparation du « Zenexton », sorte d’amulette qui prévient de la peste. Quatre pages sont consacrées exclusivement aux crapauds (pp. 1149-1153 dans la version anglaise de 1664, qui sera citée ici, pour la commodité de la lecture).
Van Helmont commence par critiquer Paracelse. Il lui reproche notamment:
– d’avoir parlé d’une manière tellement confuse des crapauds et des grenouilles dans ses écrits sur la peste;
– de n’avoir jamais eu une expérience personnelle de la peste et de s’appuyer donc entièrement sur des données empruntées à d’autres [[Van Helmont avait cette expérience, pour avoir soigné les pestiférés à Anvers lors de l’épidémie de 1605. ]];
– d’avoir affirmé que les crapauds convenaient aux femmes et les grenouilles aux hommes;
– de ne pas avoir signalé en quel mois de l’année il fallait suspendre les crapauds pour préparer les remèdes;
– d’avoir utilisé des animaux morts, ce qui était visiblement ridicule aux yeux de Van Helmont, pour qui l’Archée (le principe vital) était indispensable pour obtenir l’effet souhaité.
Il explique ensuite comment se fabriquait le Zenexton. Il était constitué par les régurgitations des crapauds suspendus… Vient ensuite le texte dont s’est inspiré l’Abbé Rousseau pour ses fameuses expériences ( p. 1152) :
« But so great is the fear of the Toad, that if he being placed with a direct beholding before thee, thou doft behold him with intent eyes or an earnest look, for some time, for the space of a quarter of an hour, that he cannot avoid it, he dies through terror ».