1980 – 3(1)

Les progrès techniques sont souvent liés aux intérêts, aux mentalités, voire aux besoins d’un groupe d’individus. Que ces trois facteurs agissent en forces coactives d’innovation, ou en forces de frein. En outre, l’utilisation d’une nouvelle technique ne se fait point partout au même moment, il faut du temps pour qu’une nouveauté apparaisse aux uns et aux autres digne d’utilisation.

A titre d’exemple prenons le cas de ce bourgeois de Saarlouis, aujourd’hui en République Fédérale d’ Allemagne, le nommé Jacques Antoine Friscal qui, le 14 avril 1759, adresse aux députés des « trois états du païs, duché de Luxembourg et comté de Chiny » [[ Archives générales du Royaume, Conseil des Finances, n° 4651.]] une requête en vue de pouvoir utiliser des fours à chaux fonctionnant au charbon, et non plus au bois comme auparavant.

Nous sommes donc au milieu du XVIIIe siècle. Depuis un siècle au moins, dans la région hennuyère de Feluy-Arquennes, ce type de four était en activité. La foule de détails qu’il fournit dans sa requête citée ci-dessous, indique, semble-t-il, avec suffisance qu’il s’agit là d’une nouveauté pour cette région[[Ce « retard » dans l’emploi de fours à chaux « new-look » pourrait provenir tant de l’abondance du bois de chauffe dans cette région que de l’éloignement des centres charbonniers. ]]

Il écrit: « Quant a la qualité de la chaux premierement il est incontestable qu’on brule avec la huille de grosses pierres avec plus d’aisance qu’avec le bois et ne sont point sujets a s’ouvrir sitot que les autres brulés avec du bois et par consequent se peuvent transporter plus loin la Flandre et le païs De Liège, ou on ne brule la chaux et les briques qu’avec de la houille.

Et pour prouver que la chaux brulée avec de la houille, est de meilleure qualité, que celle brulée avec du bois il n’y a qu’a remarquer que ces fours comme la figure sub A le demontre se remplissent depuis le bas du n° 1° jusqu’en haut, premierement avec un lit de houille, ensuite une lit de pierre et ainsi jus qu’au bout et que le feu se communique au second sub n° 3° Celui-ci brulé au troisieme sub n° 4° et ainsi du reste et que par consequent un lit de pierre n’est pas plus cuit que l’autre, desorte qu’au bout de 24 heures, en cas de besoin l’on peut tirer de la chaux, ce qui peut se continuer dans le meme four sans l’éteindre toute L’année, n’étant question que de toujours surcharger l’affaisement occasionné par la chaux que l’on tire du bas, ce qui prouve, que l’on peut donner en tout tems et a toute heure la petite quantité de chaux qu’un particulier pouroit avoir besoin, quoi qu’il aura des fours de toute grandeur pour contenter ceux qui pouroient prétendre des grosses parties.

Et pour preuve que la chaux qui se brule avec du bois n’est pas de si bonne qualité, il n’y a qu’a remarquer que le feu est toujours en sa meme place au bas du four, comme est a voir sub B et que ce n’est que de la chaleur continuelle et a forçe de bois qu’on y jette, qu’elle peut se bruler jusqu’en haut, et par consequent incontestable que les parties de la chaux du bas par lesquelles doit passer toute L’ardeur pour celles en haut, doivent par cette trop grande cuison perdre de leur qualité et tel, et que si ces fours sont negligés d’un moment, ils ne donneront que la moitié chaux, les chaufournier etant obligés de veiller nuit et jour, au lieu qu’avec de la houille une fois allumés, ne demandent plus aucun soin, le feu se communiquant comme dit est, par degrés.

Et comme Le Remontrant pour ces fours a etablir a deja entrepris des houilleries et fait grande depense pour la construction desdits fours et que le retardement lui causeroit du dommage, d’autant qu’il est a voir par les deux figures jointes que la construction d’un four pour bruler avec de la houille couste plus, n’etant du vuide dedans qu’en espace d’un pain de sucre et le reste solide, dans le tems que les fours a chaux sont tous vides, comme la figure le montre et qu’il n’y a qu’une circonference de muraille. »

Il illustre sa requête par le dessin ci-joint accompagné en outre de la légende suivante:

A. Vue d’un four a chaux a brouler avec des houilles qui demontre les differents lits avec le feu qui se communique insensiblement et par égal degré de chaleur depuis le bas jusque en haut.
N°1 un lit de houille -2 un lit de pierres -3.1 houilles -3.2 pierres -4 houilles – 5 pierres – 6 houilles – 7 pierres – 8 houilles – 9 pierres – 10 houilles – 11 pierres etc

Nota Que ces fours ce chargent par en haut et se dechargent au foyer et fait a fait qu’un lit de houille se consomme La charge s’affaise de facon que quand toute la houille est consommée il reste un vide en haut.

Le four est vu dehors comme la figure sub B hormis qu’il n’y a qu’un foyer.

B. Vue d’un four à chaux à bruler avec du bois, lequel est tout vide n’étant qu’une circonference de murailles comme la figure le demontre.

Vers le bas de ce four on fait une voute et depuis on le charge et decharge par le haut, n’étant qu’une cuisson qui se fait par la quantité du bois qu’on jette aux deux foyers de sorte que les parties de la chaux du bas par lesquelles doit passer toutes l’ardeur pour celles en haut doivent par cette trop grande cuisson perdre de leurs qualités et Sel.

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