1982 – 5(3/4)

L’histoire des sciences et l’histoire des techniques dans l’enseignement supérieur

Nous avons tenté d’évaluer l’utilité des deux histoires pour la pratique du scientifique et du technologue. Mais l’on pourrait aussi examiner cette utilité pour leur formation. Pour la formation des scientifiques, Bachelard a fortement insisté, à de nombreuses reprises, sur l’intérêt pédagogique de l’histoire des sciences. Prélevons, par exemple, ces trois passages dans un de ses plus beaux livres (Bachelard, 1934) : On accède donc à la culture physico-mathématique en revivant la naissance de la géométrie non-euclidienne. Même en se plaçant au simple point de vue pédagogique (…) l’élève comprendra mieux la valeur de la notion galiléenne de vitesse si le professeur a su exposer le rôle aristotélicien de la vitesse dans le mouvement. C’est en restituant ces instants dans l’enseignement qu’on constitue l’esprit scientifique dans son dynamisme et sa dialectique. Depuis, les pédagogues français ont souvent vanté la valeur formative de l’histoire des sciences (Brunold, 1957, 1958).

Quant à l’histoire des techniques pour la formation des ingénieurs, son intérêt est considérable, contrastant d’ailleurs curieusement avec l’utilité bien faible de cette discipline pour la pratique professionnelle de l’ingénieur. En particulier, il est évident que la présentation de la série historique qui aboutit à un dispositif actuel est généralement le meilleur moyen pour en faire comprendre les particularités de construction et de fonctionnement (Baudet, 1981). L’histoire des techniques est ainsi un excellent soutien pédagogique pour la formation à la technique. C’est, en plus et simultanément, une excellente introduction au problème de l’acceptabilité des techniques nouvelles. Peut-être les responsables de nos Instituts supérieurs industriels et de nos Facultés de sciences appliquées verront-ils un jour que l’introduction d’un enseignement d’histoire des techniques n’est pas tout à fait superflue pour la formation des ingénieurs des temps nouveaux (Basile, 1981).

Références

G. Bachelard, 1934. – Le nouvel esprit scientifique. Presses Universitaires de France, Paris (réédit. 1963), 179 p.

J. Basile, 1981. – Les ingénieurs des temps nouveaux. Rev. Ing. Belg. 3: 19-24.

J. C. Baudet, 1981. – La discipline historique dans la formation de l’ingénieur. Actes du Colloque de l’AIIBr, 24-25 avril 1981. APPS, Bruxelles.

J. C. Beaune, 1980. – La technologie introuvable. Librairie philosophique Vrin, Paris, 285 p.

H. Berr, 1911. – La synthèse en histoire. Albin Michel, Paris (réédit. 1953), 322 p.

C. Brunold, 1957. – Enseignement scientifique et histoire des sciences. Rev. Hist. Sc. 1 0 : 193-6.

C. Brunold, 1958. – Rôle de l’histoire dans l’enseignement des sciences physiques. Rev. Hist. Sc. 11 : 97 107.

M. Daumas, 1981. – A la recherche de la technologie. A propos d’un ouvrage de Jean-Claude Beaune (op. cit.). Rev. Hist. Sc. 34: 171-6.

J. Perrin, 1912. – Les Atomes. Félix Alcan, Paris (réédit. 1924), 334 p.

W. G. Vincenti, 1982. – Control-Volume Analysis: a difference in thinking between engineering and physics. Technol. and Cult. 23: 145-74.

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Fig. 1. – Table XIX du « Taqwim al-sihha »: les membres des animaux et leur nature. Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier Ms. 19.990.

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