1985 – 8(2)

La science antique

La science antique fut d’abord étudiée à Gand, avec Joseph Bidez (1867-1943) élève de l’illustre Hermann Diels, et avec son ami Franz Cumont.
C’est sous Bidez que George Sarton vint s’initier à la philologie classique [[ A. Severyns, Notice sur Joseph Bidez, Annuaire de l’Académie Royale de Belgique, 122 (1956), p. 81-214. ]].
Bidez et Cumont s’occupèrent surtout de science et pseudo-science à l’époque tardive, notamment l’astrologie. La fondation de l’Union Académique Internationale en 1919 leur permit d’institutionnaliser la collaboration internationale qui avait donné de si bons résultats avec le Catalogus codicum astrologorum graecorum. Bidez fit inscrire comme deuxième entreprise patronnée par l’union le catalogue des manuscrits alchimiques (devenue Textes alchimiques) qui est, depuis ce temps, resté une entreprise bien de chez nous[[ On en trouvera l’évolution dans les Comptes rendus des sessions annuelles du Comité. ]]. Le Liégeois Armand Delatte, collaborateur de l’entreprise, consacra aux sciences de la basse Antiquité une bonne partie de son activité scientifique, qu’il s’agisse de numérologie, de cueillette des simples, de portulans, de glossaires médicaux ou d’arts divinatoires [[ A. Delatte, Etude sur la littérature pythagoricienne, Paris, 1915; Les portulans grecs, Liège, Paris, 1947; Herbarius, 3e éd., Bruxelles, 1961; Anecdota Atheniensia et alia, Paris, 1939.]]. L’Union Académique Internationale n’a cessé de chérir l’histoire des sciences, qui a une belle place dans sa plus grande entreprise, l‘Aristoteles Latinus du professeur Verbeke.

C’est également un philologue, le chanoine Adolphe Rome, qui fonda l’école louvaniste axée sur les sciences exactes de l’Antiquité, et sur la rigueur de l’ecdotique. Lui-même préparait une monumentale édition des commentaires de Théon d’Alexandrie sur l’Almageste, poursuivie après sa mort par son école [[ F. De Ruyt, Notice sur le chanoine Adolphe Rome. Annuaire de l’Académie Royale de Belgique, 138 (1972), p. 87-99. ]]. Parmi ses disciples, Albert Lejeune étudia l’optique d’Euclide et de Ptolémée [[ A. Lejeune, Euclide et Ptolémée. Deux stades de l’optique géométrique grecque, Louvain, 1948; Recherches sur la catoptrique grecque d’après les sources antiques et médiévales, Bruxelles, 1957; Claude Ptolémée, Optique dans la version latine d’après l’arabe de l’émir Eugène de Sicile, Louvain, 1956. ]], et Joseph Mogenet l’astronomie byzantine [[ J. Mogenet, Autolycus de Pitane. Histoire du texte suivie de l’édition critique des traités de la sphère en mouvement et des levers et des couchers, Recueil de travaux d’histoire et de philologie de l’université de Louvain, 3e série, 37 (1950). Parmi les autres élèves de Rome, signalons le regretté Maurice Michaux avec son édition du commentaire de Marinus aux Data d’Euclide. ]]. A propos de l’édition d’Autolycos de Pitane, Mogenet mit au point une méthode de classement des manuscrits par le comptage de leurs accidents caractéristiques inspirée des travaux de Dom Quentin. Quoique aujourd’hui bifide, l’école de Mogenet est restée bien vivante. A Louvain, Mme Duhoux- Tihon se consacre à l’édition des astronomes byzantins; à Namur, Mr Allard édite des traités mathématiques
grecs, latins et arabes.

L’histoire de la médecine

Depuis le XIXème siècle, l’histoire de la médecine a toujours connu un franc succès. Toutefois, elle est plus souvent innocent hobby de praticiens que discipline scientifique. Comme partout ailleurs, elle n’a jamais pu s’affranchir d’une triple hypothèque; la bibliophilie; la recherche des précurseurs; la grande ombre du docteur Cabanès, c’est-à-dire la prédilection pour l’anecdote ou les curiosa. Même un grand maître comme Marcel Florkin[[ On trouvera une bibliographie de Marcel Florkin par Yves Pasleau dans P. Laszlo, R. Halleux, Représentations anciennes du savoir chimique et alchimique. Catalogue d’exposition, Liège, 1981. ]], tout en écrivant la monumentale History of Biochemistry, ne dédaignait pas de consacrer des trésors d’érudition aux aspects les plus amusants de la médecine liégeoise.

Deux courants cependant sont venus la vivifier. A Mons, puis à Bruxelles, Robert Joly a lancé un large mouvement d’études hippocratiques[[Récemment couronné par l’Editio maior d’Hippocrate, Du régime par R. Joly avec la collaboration de Simon Byl, Berlin, Akademie Verlag, 1984 (Corpus Medicorum Graecorum 1, 2, 4). ]], en y introduisant, avec audace, l’épistémologie historique de Gaston Bachelard [[
R. Joly, Le niveau de la science hippocratique. Contribution à la psychologie de l’histoire des sciences, Paris, 1966. ]].
La méthode fut appliquée après lui par son disciple Simon Byl aux grands traités biologiques d’Aristote[[ S. Byl, Recherches sur les grands traités biologiques d’Aristote: sources écrites et préjugés, Bruxelles, 1980.]].

Du côté de la médecine médiévale, un important mouvement d’études s’est créé en Flandre. Son objet et ses méthodes s’apparentent au courant allemand de la Fachliteratur des Mittelalters, lancé par Gerhard Eis et ses disciples Willem Daems, Gundolf Keil, Hartmut Broszinski, Joachim Telle, Jerry Stannard [[Particulièrement éclairante sur ce mouvement est la préface de Gerhard Baader et Gundolf Keil au recueil Medizin im mittelalterlichen Abendland, Darmstadt, 1982, p. 1-44. ]]. Il s’agit essentiellement d’étudier les textes médicaux flamands du moyen âge, littérature trop spécialisée pour les philologues, et trop philologique pour les praticiens[[ L’expression est de L. J. Vandewiele, Een middelnederlandse versie van de Circa Instans van Platearius, Oudenaarde, 1970, p. 5. ]]. L’initiateur en la matière fut certainement le professeur Leo Elaut (1897-1978) avec sa thèse d’agrégation van smeinseen lede (1953), ses travaux sur Yperman et d’innombrables contributions dont le cadre dépasse largement le moyen âge et les pays-bas[[
F. A Comer & L. J. Van De Wiele. Elaut, Leon Jozef dans Nationaal Biografisch Woordenboek, X (1983), p. 159-166. ]]. A son exemple, beaucoup de textes jusqu’alors négligés ont été mis au jour. Il faut citer les travaux du docteur Boeynaems sur Salerne, ceux de Willy Brackman sur Arnaud de Villeneuve, et sur les recettes, ceux de Leo J. Vandewiele sur le pseudo Mesue, le Circa instans néerlandais, le Liber magistri Avicenne (1965) et l’Herbarijs (1965), et enfin la prospection globale des recettes médicales flamandes par Christian de Backer.

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