1984 – 7(1)

Charles KREJTMAN (1982)
Pour Descartes. Le processus logique de la pensée confuse.
Ed. J. -E. Hallier/Albin Michel, Paris, 143 p.

Ce petit livre s’efforce de trouver un fondement aux sciences humaines, ce qui est certes, en notre fin de siècle (c’est le titre d’un roman de J.-E. Hallier) fécond, un très ambitieux programme épistémologique. Si l’histoire des sciences exactes a su retracer les grands moments qui amenèrent l’Astronomie, la Physique, la Chimie, etc., à leur niveau actuel de cohérence et d’efficacité prédictive, il s’en faut de beaucoup que l’histoire des sciences humaines, ou « sociales » comme dit plus justement l’auteur de l’ouvrage que nous présentons, soit en mesure de présenter une chronologie charpentée autour de quelques « coupures épistémologiques » indiscutables.

Où trouver ce fondement, qui sera prolégomène à toute science sociale future? Comment combler le vide théorique, qui… cause la sclérose actuelle des « sciences sociales » ? En retournant à Descartes.

En effet, il y aurait une idée restée embryonnaire chez Descartes selon laquelle la science sociale a une démarche propre, radicalement différente de celle des sciences de la nature . Et l’auteur propose de faire précéder la science sociale par un préalable métaphysique.

Le projet est excellent, mais le résultat ne semble pas tout à fait répondre à l’attente des premières pages. Certes, il nous paraît judicieux de remonter à Descartes: ceci est déjà une justification de l’ouvrage, qui intéressera de nombreux chercheurs qui n’estiment pas que tout a déjà été écrit sur le fondateur du (ou d’un ?) rationalisme moderne. Certes, il est bien vrai qu’il est nécessaire de revenir à la métaphysique, un peu oubliée – mais pour des raisons bien différentes – à la fois par les hommes des sciences « exactes » et par ceux des sciences « humaines ». Comme le disait justement Quine, le philosophe et l’homme de science sont sur le même bateau. La coque de ce navire est la métaphysique, qu’on le veuille ou non!

Certes, il est tentant de prévoir que si la mathématique se révèle l’outil approprié de la physique, un autre outil devra être forgé pour la connaissance des pratiques sociales.

Mais, quand on a dit tout cela, il s’agit de construire. Et ce que l’auteur nous présente ne nous a pas convaincu.

Il élabore une « logique de la pensée confuse » qui ne paraît être qu’une méditation sur le thème de l’union de l’âme et du corps, où l’on découvre qu’à côté de la pensée claire, se déroulant dans une vision globale, doit être envisagée la pensée confuse, fonctionnant dans une perspective étroite.

Cette méditation aboutit finalement à percevoir que la pensée claire se déroule selon l’ordre de la causalité efficiente, la pensée confuse … dans une perspective de causalité finale.

La trituration des couples « clair-confus », « global-étroit », « causalité efficiente – causalité finale » suffira-t-elle à combler le vide théorique qui cause la sclérose des sciences sociales? On nous permettra, pour répondre à cette question, d’attendre que soient disponibles les premiers résultatsque nous promet ce nouveau discours de la méthode.

J. C. Baudet

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