LE PAYS DE LIEGE DANS L’EUROPE SAVANTE DU MOYEN AGE
Carmélia OPSOMER-HALLEUX
Assistant à l’Université de Liège
Samenvatting
Het Land van Luik in het geleerde Europa van de Middeleeuwen.
Het bekend worden van de Arabische wetenschap in het middeleeuwse West-Europa veroorzaakte een intellektuele revolutie. De auteur bestudeert welke invloed deze revolutie in het land van Luik gehad heeft. Hij heeft de sporen van Arabische invloed opgezocht in bewaard gebleven werken, zowel in het quadrivium als op het gebied der medische en natuurwetenschappen.
Abstract
Liège in intellectual Europe of the Middle Ages.
The author studies how, during the Middle Ages, Liège came under the influence of the epistemological revolution which presented the reception of Arabic science. The traces of this Arabic influence are to be looked for in extant writings in the quadrivium as well as in the natural sciences and medicine.
Si l’on excepte des moments privilégiés, comme le siècle des écoles ou, au XVIème siècle, le règne d’Ernest de Bavière, le pays de Liège semble, dans l’histoire de la science européenne, relativement provincial [[ Communication présentée au Colloque international Histoire des sciences dans l’Ancien Pays de Liège, Hommage à Marcel Florkin (1980), organisé au château de Colonster par MM. P. Laszo et R. Halleux de l’Université de Liège.]].
Au Xème siècle, Rathier réclame des manuscrits scientifiques dont il y avait cruelle pénurie dans sa patrie (Weigle, 1949). En 1333, Pétrarque visite Liège, trouve un manuscrit du Pro archia et observe ce fut très grand peine de trouver un peu d’encre, et encore, tout à fait semblable au safran (Hoyoux, 1976). Au XVIIème siècle, Sluse se plaint que ses confrères tréfonciers ne songent qu’à leurs terres, chasses et dîners (Lepaige, 1887). Certes le pays de Liège a donné à l’Europe des esprits de qualité, mais ils feront carrière loin de Saint Lambert et l’exode des cerveaux n’est pas une preuve de vitalité.
Mon propos de ce jour est d’examiner de plus près cette apparente marginalité, et de voir comment la vie intellectuelle à Liège même a ressenti l’influence des grands courants qui ont parcouru l’Europe savante au moyen âge. Et plus précisément comment il fut touché par la grande coupure, la révolution épistémologique qui coupe le moyen âge en deux et met en question la notion même de science occidentale: la réception de la science arabe.
On sait que l’héritage gréco-arabe est rentré en Occident par l’Espagne et la Sicile. Depuis les travaux de Steinschneider, Millas Vallicrosa, Heinrich Schipperges, M.T. d’Alverny, on peut distinguer plusieurs vagues:
a. une période d’infiltration, dont la réalité même est contestée pour des motifs politiques. Cette période voit Gerbert étudier à Vich en Catalogne (Lindgren, 1976), et les origines légendaires de Salerne, où le premier fait certain est la vie de Constantin l’Africain, marchand maghrébin qui mourut moine au Mont Cassin en 1087.
b. le siècle des traducteurs: le XIIème siècle, qui apporte la grande masse de textes. En Espagne, Adélard de Bath, Jean de Séville, Robert de Ketton, Hugues de Santalla, Hermann de Carinthie et surtout Gérard de Crémone. En Sicile, l’émir Eugène, Henri Aristippe et surtout Michel Scot.
c. la troisième vague est constituée par les traducteurs d’Italie du Sud au XIIIème siècle qui œuvrent sous Charles d’Anjou et Manfred et à qui on doit par exemple Sérapion, Razi, le Tacuinum Sanitatis.
L’activité scientifique dans les écoles de Liège se répartit grossièrement sur deux générations. La première, celle de Notger (972- 1008), est en liaison avec Gerbert à Reims. La deuxième, celle de Wazon (1008-1021, 1042-1048), avec Fulbert à Chartres. Elles sont donc contemporaines de la période d’infiltration.
Examinons donc les traces d’arabisme dans les écrits conservés, d’abord dans le quadrivium, ensuite dans les sciences naturelles.