1979 – 2(2)

Edward MANIER (1978)
The young Darwin and his cultural circle
A study of influences which helped shape the language and logic of the first drafts of the theory of natural selection

Studies in the History of modern science, vol. 2
D. Reidel Publishing Company, Dordrecht (Holland), Boston (USA), 242 p.

L’auteur a tenté de définir le cultural circle du jeune Darwin entre 1837 (il avait 28 ans) et 1839, c’est-à-dire entre son retour du voyage à bord du H.M.S. Beagle et son mariage avec Emma Wedgwood: il commençait alors d’élaborer sa théorie des espèces. Par cultural circle, il faut entendre l’ensemble des auteurs qui auraient influencé le jeune naturaliste. Pour établir cet inventaire, Manier a étudié, outre divers manuscrits et les annotations marginales des livres de la bibliothèque personnelle de Darwin, deux cahiers de notes tenus de 1837 à 1839, l’un intitulé « transmutation of species », l’autre « metaphysics … morals and speculations on expression» : L’étude de ces sources est très poussée, conduisant à des tableaux de fréquences d’auteurs cités, ou de mots significatifs rencontrés. Cela fournit une base objective à l’exposé de l’auteur, qui ne se contente pas d’inventorier, mais qui cherche à définir le milieu intellectuel dans lequel Darwin a conçu ce qui deviendra The Origin of Species (publié, rappelons-le, seulement en 1859).

Après une introduction méthodologique, l’ouvrage comprend trois parties: I.-Darwin’s cultural circle: 1837-1839, II.- Darwin’s Notebooks, Manuscripts, and Marginalia: 1837-1839, III.- Conclusions.

Outre Malthus et Lamarck, il faut signaler les influences du géologue Lyell, du théologien Paley, du poète Wordsworth, etc. Il apparaît ainsi un jeune Darwin pleinement conscient des conséquences sociales, morales et philosophiques de sa nouvelle théorie, et dont la complexion éthique peut être résumée par ces mots qui terminent le livre de Manier: « Darwin found grandeur in his view of life. Not the glacial grandeur of deistic metaphysics, but the exhilaration of a scientific perspective which could guide the experimental search for the laws of life and provide an imaginative and affectively powerful representation of the great human themes of chance, suffering, hope, and love”.

Rechercher les sources de Darwin était une entreprise importante pour l’histoire des sciences naturelles, quand on sait la place qu’a prise la notion d’évolution par sélection dans la biologie contemporaine. C’était aussi une entreprise importante pour l’histoire des idées en général, puisque la théorie de l’évolution biologique est une de ces quelques idées scientifiques qui ont eu des retentissements dans tous les domaines de la pensée. Voici donc un livre dont il faut espérer que le public ne se limitera pas aux seuls historiens des sciences.

L’ouvrage se termine par d’abondantes notes (plus d’une trentaine de pages), une bibliographie et un index. Plutôt que d’établir une bibliographie exhaustive qui aurait été considérable, l’auteur a choisi de se limiter à une sélection des textes. Il était en effet parfaitement vain de tout citer. On regrettera cependant certaines omissions. Si The death of Adam (J. C. Greene, 1959) est signalé, on ne mentionne pas, du même auteur, Darwin and the Modern World View, paru à Baton Rouge en 1961. Il s’agissait bien sûr d’une étude plutôt de l’influence exercée par Darwin que de ce qui influença le grand naturaliste, mais l’on y analyse par exemple les idées de Darwin sur la Bible. C’est une lacune qui aurait donc pu être comblée dans le livre de Manier, qui ne fait pas mention de la Bible dans le cultural circle de Darwin, alors que l’Ancien Testament était pourtant au centre de ses pensées à cette époque, comme l’attestent certains passages de son autobiographie. Il manque aussi, de H.M. Jones et I.B. Cohen (éditeurs, 1963): Science before Darwin: a nineteenth-century anthology. Cette collection de textes scientifiques du début du XIXème siècle aurait certainement permis de cerner encore davantage le climat scientifique prédarwinien. On ne trouve point non plus mention du livre de W. Irvine (1955): Apes, angels and Victorians: the story of Darwin, Huxley and evolution, pourtant très important, ni de l’ouvrage de W. Zimmermann (1953): Evolution. Die Geschichte ihrer Probleme und Erkenntnisse.

J. C. Baudet

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