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RECENSIONES
Jean-François ANGENOT (1983)
La pharmacie et l’art de guérir au pays de Liège des origines à nos jours.
Editeur : Eugène Wahle, 230 p., ill.
C’est à l’occasion du centenaire de la fondation de l’Institut de Pharmacie de l’Université de Liège que le cercle Alfred Gilkenet a confié à Jean-François Angenot, attaché à la direction du « Grand Liège », le soin de réaliser la première synthèse sur l’histoire de la pharmacie et l’art de guérir au pays de Liège. L’auteur s’est assigné pour tâche de dégager les apports proprement liégeois de cette discipline.
Nous n’avons qu’à louer cette initiative. En effet, à cause du développement très poussé du système corporatif au moyen âge, les villes des Pays-Bas méridionaux sont devenues autonomes et ont édicté leurs lois et règlements sur la pratique de la médecine. L’étude de la pharmacie, du moins pendant l’ancien régime, doit donc être envisagée ville par ville (L. J. Vandewiele, Geschiedenis van de farmacie in België met een inleiding tot de algemene geschiedenis van de farmacie, Beveren, 1981, p. 7).
Remontant aux origines de l’art de guérir, l’auteur retrace les différentes étapes de son évolution - ne s’attardant guère sur le moyen âge tout en se justifiant d’un long développement aux XVIIe et XVIIIe siècles « les sources devenant plus prolixes » - et nous montre comment l’apothicairerie s’est progressivement détachée des autres disciplines pour s’ériger en science indépendante, bien que des liens très étroits avec la médecine, la biologie, la botanique, la chimie et la physique aient existé et qu’ils aient été longuement évoqués, ce qui confère à l’histoire de la pharmacie un caractère interdisciplinaire (voir par exemple : C. De Backer, Vroegste ontstaan en ontwikkeling van het
apothekersberoep in Vlaanderen, voornamelijk te Gent, Mededelingen van de Koninklijke Academie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten van België, Klasse der Wetenschappen, Jaargang 45, Brussel, Paleis der Academiën, 1983, n° 3, p. 71). Epinglons parmi de très nombreux exemples l’Enchiridion medicum simplipharmacorum de Josse d’Harchies « véritable dictionnaire de végétaux et de médicaments simples (où) chaque plante y est
nommée et décrite, ainsi que ses propriétés, en référence avec les botanistes anciens et modernes » de même que les Plantarum omnium nomenclaturae qui « constituent un véritable dictionnaire polyglotte comprenant la description de quelque trois cent cinquante plantes médicinales les plus usitées ».
Quels sont les principaux jalons de l’histoire de la pharmacie à Liège ?
C’est au XIIIe siècle que se produit la séparation entre la médecine et la pharmacie et qu’apparaît le terme d’apoticarius dans nos régions ; à Liège, la première mention est celle de « Maistre Piere li apotikaers » en 1337, suivie de Jean d’Attenhoven, en 1384, et de Gérard d’Attenhoven en 1413. Avec le développement des villes, nous trouvons les pharmaciens groupés au sein de la corporation des merciers comme en témoignent les premières règlementations pharmaceutiques de 1414 et 1416. Peu à peu conscients de leur art, ils tâcheront de se faire admettre au sein de la compagnie de Saint-Côme et Damien et ce, dès le XVIe siècle.
En 1699, le règlement du collège des médecins est publié et régira toute la profession pharmaceutique jusqu’à la fin de l’ancien régime. C’est en 1741 que la première pharmacopée liégeoise vit le jour ; outre la mention de 29 médecins, 31 pharmaciens et 37 chirurgiens, elle comprend la liste des drogues simples suivie de celle des préparations galéniques, un addendum des préparations oubliées et enfin un tarif. Le régime français verra l’apparition des Ecoles de Pharmacie. C’est sous le régime hollandais que l’université de Liège est fondée, la pharmacie est étudiée au sein de la Faculté de Médecine. En 1848, deux grades sont créés : celui de candidat en pharmacie et celui de pharmacien (le premier diplôme délivré à un étudiant est daté du 23 août 1853).
L’Institut de Pharmacie sera inauguré en 1883 et deviendra en 1925 l’Institut de pharmacie Alfred Gilkenet. Enfin, l’auteur a dégagé les apports actuels des sciences pharmaceutiques avant de faire appel à Joseph Demonceau pour retracer l’histoire de la pharmacie hospitalière à Liège.
Jean-François Angenot s’est appuyé sur différentes sources : d’une part les sources écrites et d’autre part les objets.
En ce qui concerne les premières, il a surtout utilisé des documents édités (ouvrages et articles) et a délibérément opéré un choix dans les archives privées et publiques ; leur étude exhaustive s’avérait trop longue. De notre point de vue d’historien, c’est évidemment une lacune que nous aimerions voir comblée par la suite. Par contre, de nombreuses recherches ont été réalisées afin de retrouver les différents objets utilisés par les pharmaciens tant dans les musées que dans différentes officines de la région et dans les collections privées - comme celle de Madame Mahaut, révélée pour la première fois au public-ce qui a permis à l’auteur de développer tout particulièrement l’étude archéologique des instruments utilisés par les pharmaciens au cours des siècles : citons entre autres, la description très minutieuse de l’ancienne officine Van Venckeray de
Maaseik (pp. 73, 74 et 75).
Ces objets magnifiquement reproduits grâce aux soins de l’éditeur confèrent à l’ouvrage un aspect très attrayant. C’est là un mérite qu’il est important de souligner puisque cet ouvrage se veut avant tout une synthèse sur l’histoire de la pharmacie mise à la disposition d’un très large public.
M. Dauven
[1] Le présent texte reprend, avec quelques modifications, le contenu d’une conférence donnée le 20 février 1984 aux étudiants d’ingéniorat (3ème et 4ème années) de l’ISIB, Institut Supérieur Industriel de l’Etat à Bruxelles, dans le cadre des « Conférences de l’AIIBr ».
L’auteur remercie ceux de ses confrères qui ont bien voulu enrichir la discussion qui a suivi l’exposé en faisant part à l’auditoire du fruit de leurs réflexions et de leur expérience professionnelle. Parmi ceux-ci, il tient à citer tout spécialement MM. Jacques Dewez, président de l’UFI (Union francophone des Ingénieurs industriels et Ingénieurs techniciens de Belgique). Jacques Dupont, secrétaire général de l’UFI, et Paul Fontaine, président général de l’AIIBr.
[2] Il convient de signaler ici les travaux du Centre européen pour l’enseignement supérieur (CEPES, 1981).
[3] Voir note 1.
[4] L’hypocrisie, on le sait, est la grande vertu bourgeoise.
[5] Cette question est très intéressante pour l’histoire des sciences en Belgique ; il serait utile d’étudier les rapports entre la réforme du doctorat en sciences et la création des structures importantes pour l’organisation de la recherche scientifique : Fondation universitaire (1920), Fonds national de la recherche scientifique (1928), Fondation Francqui (1932). Par ailleurs, cette question purement historique peut alimenter la problématique de la création d’un doctorat en sciences industrielles pour
ingénieurs (voir AIIBr, 1981, p. 32, Rev. Ing. Belg., 1980 : 2, p. 73) .
[6] L’Ecole Centrale des arts et manufactures de Paris fut créée en 1829, Mortimer d’Ocagne, qui fit paraître en 1887 un ouvrage important sur les Ecoles françaises, dira notamment :
« On a cherché à établir un parallèle entre l’Ecole Centrale et l’Ecole Polytechnique. Leurs conditions ne sont pas les mêmes ( .. .) A l’Ecole Polytechnique, on fait de la théorie transcendante ; à l’Ecole Centrale, on fait de la théorie et de l’application. Enfin, point capital ( .. .) l’Ecole Centrale livre un ingénieur en trois années ; il en faut cinq à l’Ecole Polytechnique ( .. .). C’est une sorte d’axiome aujourd’hui reçu, qu’à l’Ecole Centrale l’entrée est plus facile qu’à l’Ecole Polytechnique, mais qu’en revanche la sortie est plus difficile ».
[7] Pierre Thuillier (1982) a fort bien analysé cette « institutionnalisation » et ces « cloisonnements » dans un livre dont l’intérêt n’est pas qu’historique ; nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre compte rendu (Baudet, 1983) ; voir aussi van Welsenaer, 1983.
[8] On trouvera la liste de ces 19 Ecoles dans Rev. Ing. Belg. 5(3) : 53. Le tableau publié par cette revue est entaché d’une erreur : l’Université libre de Bruxelles forme des ingénieurs agronomes dans sa Faculté des Sciences, et non dans une Faculté des Sciences agronomiques. Le plupart de ces Ecoles (ainsi d’ailleurs que certaines Ecoles flamandes) font l’objet d’une notice dans SEFI, 1983.
[9] Les ingénieurs-conseils sont fort peu nombreux en Belgique. Ils sont membres soit de la CICB (Chambre royale des Ingénieurs-conseils de Belgique), soit de l’ABIC (Association royale belge des Ingénieurs-conseils).
[10] Technologiste, voire même techno-logicien, ne sont pas mal non plus.
[11] Pas seulement la rationalité technique, conduisant à la technocratie naïve. C’est la rationalité « écolo-technico-socio-financière » qui est visée, puisque toute action industrielle (c’est-à-dire de production) implique le quadruple apport des ressources naturelles, du savoir, du travail et du capital.
[12] L’expertise judiciaire, au cours de laquelle l’« intervention » a une portée juridique particulière, est étudiée par Muller (1982).
[13] L’étude des groupes de pression en Belgique est passionnante mais extrêmement vaste, son champ dépassant considérablement celui, pourtant déjà étendu, de l’histoire de la science, de la technologie et de l’industrie. L’ouvrage de Claeys (1973), qui fait figure de classique, ne traite que du patronat et des syndicats.
[14] Rev.Inform. FABI n°1 (1937), p. 13.
[15] L’UNIT a fêté son cinquantenaire le 18 novembre 1983 à Bruxelles, en présence du Roi Baudouin et de plusieurs Membres du Gouvernement (Rev. Ing. Belg. 5(4) : 67-68).
[16] Voir note 1.