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Ce sera généralement sous cette désignation de «  montreur de
serpent(s)
 » que l’on désignera cette pièce dans divers catalogues (par
exemple Bertrang 1935 ; Mariën 1945 : 138 ; Dubois 1946).

Par contre Lefebvre se demande s’il ne s’agit pas d’une allusion
au « rite relatif au culte du dieu celtique adoré sous la forme d’un serpent
crêté
 » (1975 : n° 36). L’hypothèse est présentée sans argumentation et sans références bibliographiques. Il ne s’agit cependant pas
d’une idée originale, car la description publiée par Espérandieu (1913 :
216-217) parle d’un «  long serpent à crête » et il rappelle que C. Jullian
a fait observer que le geste du personnage « est celui des Druides dans
Tacite
 ».

La même opinion avait également été avancée par Welter
(1911 : 62-63) qui y voyait une nouvelle variante du « Mercure barbu ou
serpent cornu ».

Cette idée a vraisemblablement été empruntée à Salomon Reinach qui, dans divers travaux, s’est attaché au problème du serpent
cornu ou Zagreus (par exemple 1899, 1905 ). S. Reinach montre
que le mythe de Zagreus serait l’amalgame de trois récits distincts
(1899) et que le serpent cornu n’est pas un attribut de divinité
car il est figuré de manière indépendante à côté des douze dieux du Panthéon romain, mais qu’il s’agit d’un dieu primitif, le serpent à tête de
bélier, qui sera plus tard identifié à Mercure.

Il énumère tous les monuments où un serpent, cornu selon lui,
est figuré, en soulignant qu’ils ont tous été trouvés dans l’Est de la
Gaule. Enfin, il considère que l’« œuf de serpent » (Ovum anguinum), dont
parle Pline dans son Histoire Naturelle (XXIX, 52) à propos des Druides,
serait une survivance d’un mythe préhistorique et il suppose que ce
mythe, tout comme celui du serpent cornu, aurait été transmis directement des Thraces aux Celtes.

Il ne m’appartient pas de juger l’opinion de S. Reinach, mais on
peut toutefois constater qu’il a audacieusement rapproché des thèmes
mythiques indépendants et qu’il a défendu l’hypothèse du transfert
direct des Thraces aux Celtes d’un amalgame qui serait d’inspiration
grecque.

Il existe bien des serpents criocéphales sur des fibules à la fois
dans la région pannonique et en Gaule, mais faut-il à partir de cette
constatation ramener nécessairement toute représentation de serpent
en Gaule au serpent cornu ?

D’autre part il est exact que beaucoup de reliefs figurant des
serpents ont été trouvés dans l’Est de la France (voir par exemple Espérandieu 1915 : p.143 n° 4786, pp. 164-165 n° 4831, pp. 168-169 n° 
4839 pour ceux de Xertigny et de Sommérécourt), mais d’autres existaient surtout en pays trévire : ceux d’Arlon, car il existe une autre gravure avec peut-être deux serpents posés à plat, qui proviendrait des ruines des thermes (Sibenaler 1907, Espérandieu 1913 : p. 278), celui de
Luxembourg - Clausen, tous ceux de Trèves (au moins six), celui de
Neumagen (voir par exemple : Espérandieu 1913 : pp. 278, 303-304, n° 
4193 ; et 1915 : pp. 218 n° 4921, 241 n° 4968, 242 n° 4969, 270-271 n° 
5033, 284-285 n° 5076, 287 n° 5983, 350 n° 5151).

Il est incontestable que dans la plupart des cas le serpent n’est
pas cornu et qu’il est le plus souvent figuré dans une scène purement
naturaliste sans aucun rapport avec l’homme. C’est la règle pour toutes
les gravures de Trèves par exemple. Par contre, dans les Vosges (à Xertigny), en Haute-Marne (à Sommérécourt), à Luxembourg et à Beauvais
(Espérandieu 1913 : pp. 155-156 n° 3919), le serpent est associé à un
homme ou à une femme. Aucune de ces gravures n’est comparable à
celle d’Arlon.



















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