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Gramme est l’un des derniers types d’inventeurs de cette époque avec des hommes comme Charles Tellier et Clément Ader qui eux
n’ont pas réussi parce qu’ils ne possédaient pas l’intuition technique de
Gramme.

Certains éléments biographiques que nous pouvons recueillir
dans les ouvrages cités permettent de suivre la démarche de Gramme
dans ses recherches sur les perfectionnements des machines électromagnétiques de son temps. Rappelons d’abord très rapidement certains
faits toujours rapportés. D’abord sa naissance en 1826 en plein pays liégeois à Jehay-Bodegnée, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de
Liège. Ensuite qu’il fut un très médiocre élève des écoles qu’il fréquenta
dans son enfance. C’est sur cette négligence que repose en partie sa
légende, ainsi que sur son habileté manuelle qui l’amena à devenir
menuisier professionnel ; un menuisier de qualité attiré par les ouvrages
difficiles. C’est sa fameuse spécialité de « rampiste », c’est-à-dire réalisateur non seulement des mains courantes mais aussi sans doute des
balustres et des têtes de rampes qui étaient des pièces ouvragées. Praticien donc, mais qui cherche les réalisations difficiles dans son art qu’il
exercera dès 1856 à Paris, après une carrière itinérante.

Des récits légendaires qui présentent ce manuel à peu près
illettré comme un génie saisi par une brusque inspiration, essayons de
tirer les faits qui permettent d’approcher la genèse de ses inventions.

Fig. 1. - La machine de Pixii, 1833.

A Paris, Gramme fut engagé, en raison de sa spécialité, par
deux entreprises faisant usage de l’électricité. L’une est la maison
Christofle qui appliquait le brevet de Ruolz de 1840 pour l’argenture de
pièces d’orfèvrerie. On lui demande d’exécuter en bois les modèles qui
servaient ensuite à l’exécution en métal. L’argenture se faisait par dépôt
galvanique à l’aide de piles Bunsen à électrodes de charbon de cornue
et de zinc, plus économique que la pile Daniell. C’est là que Gramme eut
sous les yeux un usage industriel du courant continu. L’anecdote dit qu’il
aurait été frappé par la saleté engendrée par la batterie des piles ; anecdote fictive sans doute.

Mais l’épisode de sa carrière professionnelle le plus déterminant fut son engagement en 1860 à la société l’Alliance dirigée par un
Bruxellois, Van Malderen. Les machines magnétoélectriques produites
par cette société avaient été conçues par le Belge Floris Nollet, professeur à l’Ecole militaire de Bruxelles dès 1849 ; Nollet prit un brevet en
1853 et mourut cette année-là. Son collaborateur Van Malderen prit sa
succession.

Le principe des machines magnétoélectriques était connu
depuis 1831 et dès cette année-là, le fabriquant d’appareils de physique
Hippolyte Pixii en avait construit le premier modèle sur les indications
d’Ampère. Un aimant tournait sous les bornes de deux solénoïdes possédant comme âme un barreau de fer doux. Ce mécanisme aurait dû produire un courant alternatif ou tout au moins ondulé. Mais on ne connaissait alors que le courant continu de la pile de Volta et le courant alternatif
n’avait aucun intérêt. Aussi Pixii imagina un commutateur qui mettait
alternativement les fils de chaque solénoïde en liaison avec le fil conducteur du circuit extérieur. Si le courant n’y était pas parfaitement continu
il était très faiblement ondulé. On pouvait lui trouver ainsi un usage au
moins pour les travaux de laboratoire portant sur l’électrolyse. Peu après
avec la création du télégraphe électrique puis de l’éclairage par arcs, de
telles machines prirent davantage d’intérêt.

La machine de Pixii stimula l’intérêt des physiciens et, après
quelques autres, Edward Clarke imagina d’utiliser comme inducteur un
aimant permanent fixé verticalement devant les pôles duquel tournait un
axe portant deux bobines d’électroaimants. Naturellement l’arbre était
muni d’un commutateur pour courant continu. Cette machine servit de
prototype à toutes celles qui furent construites pendant plus de vingt
ans et qui restaient des appareils de démonstration. On peut dire que
pendant cette période toutes les combinaisons possibles d’inducteurs
et d’induits ont été essayées. Dès 1841, l’industriel anglais Elkington fit
l’essai d’une des grandes machines magnétoélectriques pour la galvanoplastie et dès 1845 Deleuil, en France, fit le premier essai d’éclairage
électrique place de la Concorde, avec des piles comme source d’électricité.

Fig. 2. - La machine de Clarke, 1835.

[1 Communication présentée le 5 décembre 1980 au Colloque Histoire des Sciences dans
l’Ancien Pays de Liège, Hommage à Marcel Florkin
, organisé au château de Colonster par
MM. Pierre Laszlo et Robert Halleux de l’Université de Liège.

[2 Toute collaboration sous la forme de recherches d’anciennes machines et de documents
s’y rapportant sera la mieux venue. S’adresser au Centre d’Histoire et de Technologie rurales, 77, rue de la Gare, 6390 Treignes, Tél. 060/399624.



















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