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En 1839, le ministre Nothomb avait chargé Jean-Baptiste Vifquain d’un rapport sur les liaisons par eau entre la frontière belge et Paris. Ce rapport est absolument remarquable et écrit dans une
langue d’une rare perfection.

Cependant l’écrit le plus sensationnel de ce grand ingénieur reste son ouvrage de 500 pages : « Des voies navigables en Belgique », publié en 1842. Il retrace, à partir de l’époque romaine,
l’historique de chaque voie d’eau, de chaque canal, de chaque écluse dans un style d’une grande clarté. Il s’agit d’une œuvre extraordinaire encore toujours consultée à l’heure actuelle.

Vifquain avait été chargé en 1841 par le Roi de faire construire la ligne de chemin de fer du Luxembourg et le réseau ferré de la province du Hainaut, l’inspecteur général s’occupant plus
particulièrement des réalisations hennuyères.

Jean-Baptiste Vifquain s’est-il ruiné la santé par un travail excessif ? Tout porte à le croire, car en 1846, il fut mis en disponibilité et pensionné prématurément pour motif de santé. Que furent ses
vieux jours ? On n’en sait pas grand-chose, sauf qu’il mourut à Ivry sur Seine, le 31 août 1854, privé de raison, en l’établissement du docteur Esquirol, célèbre médecin aliéniste français.

Vifquain avait été un homme courageux et un travailleur infatigable, mais il était très intéressé et de conception très libérale. Par exemple, il était grand partisan de confier les grands travaux
publics à l’entreprise privée. De là, des dissensions avec Deridder et, surtout, Simons qui avait été son protégé lorsqu’il l’engagea en 1821 pour la construction du canal de Pommeroeul à Antoing.
Mais Simons était de santé délicate et, ce qui semble avoir énervé Vifquain, ses devis étaient généralement sous-estimés, alors que ceux de Vifquain étaient remarquables de précision.

Vifquain encourut les foudres du Sénat lorsqu’il voulut faire construire en 1833 un chemin de fer reliant les charbonnages du Borinage aux nouveaux canaux par la « Compagnie Vifquain ». Cette
dernière était dirigée par le jeune Alexandre Vifquain, mais on chuchotait qu’il n’était que le prête-nom de Jean-Baptiste ; finalement, l’entreprise fut confiée ultérieurement à d’autres.

Vifquain reprochait à Simons la sous-estimation de la ligne de la Vesdre, qui devait prolonger le réseau ferré de Liège à Aix-la-Chapelle. La somme prévue pour toute la ligne ne suffisait même
pas pour le seul pont sur la Meuse. Simons refusa de construire la ligne, prétextant qu’il subissait une rétrogradation, alors qu’il avait été directeur ; il partit à la tête de l’expédition belge au
Guatémala et mourut en mer avant d’être arrivé à destination.

Mais il y eut peut-être un autre motif de mésentente entre les deux hommes. Vifquain avait épousé une Française, Louise Bourla ; cette dernière était veuve d’un industriel parisien, Denis Georges,
dont elle avait eu une fille qui avait épousé Pierre Simons. L’épouse de Vifquain, Louise Bourla, décéda en 1834. Y eut-il des conflits d’héritage à ce moment qui envenimèrent les relations ?
C’est d’autant plus plausible qu’après la mort de Jean-Baptiste Vifquain, lors de la liquidation de son héritage, certains conflits d’intérêts surgirent entre les trois enfants légitimes et les deux
enfants naturels qu’il avait eus avec Isabelle Devuyst.

Il n’en reste pas moins vrai qu’il est équitable de rappeler la mémoire de cet ingénieur et de faire connaître son œuvre.

[1 prodrome d’une notice qui paraîtra dans la Biographie nationale de Belgique (NDLR).

[2 Lire, sur la question de l’urgence de publier, l’article de Gaston (1972) dans La Recherche.

[3 Les techniques sont des modes d’appropriation du monde : le ciel est à qui sait voler (de Beauvoir, 1944.)

[4 Les questions de vocabulaire se compliquent encore (à moins qu’elles ne s’éclaircissent) quand on prend en considération les usages anglo-saxons. Il est indéniable que l’usage actuel, en français,
du mot technologie vient partiellement d’une contamination par l’anglais (Saint-Sernin, 1976).

[5 C’est la définition de l’homme que l’on trouve chez Jean Rostand (1954), qui précise : petit-fils de poisson, arrière-neveu de limace, bête saugrenue qui devait inventer le calcul intégral et rêver de justice.

[6 L’expression se trouve chez Bachelard, et s’adresse plutôt à la science. C’est que le mot appliqué n’est pas, dans l’épistémologie de l’Ecole française, utilisé dans sa pleine acception.

[7 Désirs. Ce mot, qu’il est impossible de ne pas rapprocher du mot péché, nous éclaire sur la suspicion ou le mépris qui s’attachent à la technique dans certaines cultures. Voir Tovmassian, 1976,
qui analyse l’attitude « idéaliste-bourgeoise » face au travail, sans aller à l’essentiel, étant prisonnier d’un système de pensée qui n’incite guère à la réflexion personnelle ; voir aussi Auzias, 1964, plus
subtil.

[8Et autres spécialistes de formation à dominante juridique et littéraire : sociologues, économistes.

[9 Quand il existe. Il n’y en a pas, nous l’avons déjà dit, du moins de jure (c’est-à-dire avec grade et diplôme) en Belgique. D’autres pays, où le nombre d’établissements de niveau
universitaire par km² est moins élevé que chez nous, en produisent d’excellents. L’hybridation est délicate. Je ne sais plus qui disait que la médiocrité de la science des philosophes n’a
d’égale que l’inanité de la philosophie des savants. Un autre disait que l’historien des techniques parle d’histoire avec les techniciens et de technologie avec les historiens, ce qui est fort
confortable.

[10 Il faudrait étudier l’association d’idées « technologie-machine », qui révèle une conception singulièrement rétrécie (et erronée) de la technologie.

[11 Il faut aussi prendre en considération les territoires : archéologie américaine pré-colombienne, extrême-orientale, etc. Cela a son importance pour l’archéologie industrielle : est-ce uniquement de l’Occident qu’il s’agit ?

[12 Pour la position épistémologique de l’archéologie industrielle et de l’archéologie contemporaine, nous nous permettons de renvoyer à notre article : Baudet, 1979.

[13 Pendant plus de 11 ans, j’ai exercé la fonction de dessinateur d’études à ladite société ; j’y étais également délégué syndical et membre de la commission de sécurité et d’hygiène.

[14Cet historique complètera les travaux déjà publiés sur les laminoirs de la région :
Hansotte, 1955 ; Hansotte et Hennau, 1979.

[15Hier moet onderstreept worden, dat Prof. ir. Quintyn de uitgever is van het tijdschrift Sartonia, gewijd aan de geschiedenis van de wetenschap en techniek. Sartonia en Technologia zijn de enige Belgische tijdschriften die zich met deze discipline inlaten.



















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