1989 – 12(1)

On imagine sans peine l’étonnant travail de synchronisation conçu par Winkel et qui est authentiquement prodigieux. Le mécanisme propulseur de la translation est une merveille d’imagination. Alors que la musique se fait entendre de manière continue, l’auditeur ne soupçonne nullement le passage d’un cylindre à l’autre, le système fonctionne en fait sans régularité de manière à laisser le hasard maître d’effectuer ou non la translation. Un dispositif « aléatoire » (en double, en fait, puisqu’il y a deux cylindres) détermine toutes les deux mesures si le cylindre se déplace latéralement ou poursuit sa course en ligne droite.

Cette ingénieuse disposition du mécanisme explique évidemment la raison pour laquelle le constructeur a fait usage de deux cylindres portant alternativement deux mesures de silence et deux mesures d’action, réglées de telle façon que l’un joue pendant que l’autre est silencieux, malgré la continuité du mouvement de rotation et la continuité de la musique produite par l’instrument. La translation d’un cylindre exigeant un certain intervalle, et le propulseur mécanique de ce mouvement ne pouvant effectuer les diverses opérations que dans un certain laps de temps, il était indispensable que chaque cylindre présente des surfaces sans action sur le clavier, tandis que les sons sont produits par l’autre cylindre.

Par quel assemblage mécanique toutes ces conditions sont-elles remplies? Il ne nous paraît pas souhaitable de surcharger cet article par une description de machine, nécessairement fort complexe. Nous préférons renvoyer les lecteurs intéressés par ces éléments à notre ouvrage cité précédemment. Ils y trouveront, schémas à l’appui, une description complète du mécanisme, de son fonctionnement, de ses rapports cinématiques. Nous souhaitons toutefois donner ici une idée du système mécanique qui a été imaginé pour laisser le hasard maître d’effectuer ou non la translation des cylindres toutes les deux mesures de musique.

Il n’est pas de meilleure comparaison que l’on puisse faire de ce mécanisme que celle d’un jeu de roulette, ou mieux encore, d’un jeu de yo-yo (voir fig. 8). Toutes les deux mesures, une cordelette I, tendue par un balancier c jugule une poulie folle f (le yo-yo) montée sur un disque de laiton g dont on a évidé deux secteurs opposés de 90°. Lorsque le balancier retombe, un ressort d rappelle énergiquement la cordelette qui, dans sa course, lance la poulie folle qu’elle jugule. La longueur de la cordelette est ainsi réglée qu’au moment ou le ressort revient en position de repos, la poulie folle n’est plus jugulée. Dès lors, elle continue sa rotation sur sa lancée et dépasse sa position de départ grâce à l’énergie cinétique acquise. Comme pour les « roues de la fortune », on ne peut prévoir la position dans laquelle s’immobilisera la poulie folle f et, par conséquent, le disque aux secteurs évidés g qui lui est solidaire.

Fig. 8
Schéma du mécanisme qui rend imprévisible la translation latérale des cylindres.

Nous arrivons au moment précis où l’appareil, selon la position prise par le disque-aux-secteurs-évidés g va décider si la translation du cylindre va avoir lieu ou non. En effet, le disque évidé, après sa course folle, s’est immobilisé dans une position qui ne pouvait être prévue à l’avance. Un levier, situé à la tangente du disque, bascule en direction du centre de ce disque. Bien entendu, si le disque lui oppose un secteur évidé, le levier pourra basculer. Par contre, si le disque lui oppose un secteur non-évidé, le levier butera contre ce secteur et sera empêché de basculer vers le centre du disque. Dans le premier cas, le cylindre translatera; dans le second cas, il continuera sa course en ligne droite.

Toutes les opérations que nous venons d’évoquer, et bien d’autres encore qui sont décrites dans notre ouvrage, s’effectuent en l’espace de deux mesures, alternativement pour le cylindre du dessus, puis pour celui du dessous, soit à peu près toutes les 5 à 6 secondes. Ce mécanisme, de conception véritablement géniale, est un chef d’œuvre d’intégration et de synchronisation. De nos jours encore, cette séquence déconcerte les esprits les plus accessibles à la logique mécanicienne.

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