1978 – nr. 1 – maart

Ce n’est pas aussi simple. Des auteurs ont signalé qu’il n’y a pas toujours filiation unidirectionnelle (Daumas, 1962). Et de citer, l’exemple est particulièrement probant et bien connu, la machine à vapeur. Il s’écoule en effet plus d’un siècle entre sa réalisation par Newcomen en 1705 et l’explication théorique par Carnot en 1824. Il existe donc une ambiguïté, qui n’est plus simplement terminologique, dans la question des rapports entre science (savoir) et technologie (savoir faire). Quelles sont les sources de la technologie ? On ne cite généralement que la science, tant il est vrai que l’on s’est habitué d’une part à recevoir de la science des directives d’action, et d’autre part à concevoir la science comme destinée à fournir des explications utiles. Quand on pénètre dans un laboratoire, on demande « à quoi cela servira-t-il ? » L’histoire des techniques montre comme ce schéma est faux. Il y a quatre sources de la technique. L’homme dispose de quatre moyens, totalement différents, pour satisfaire ses désirs. Magie, religion, empirisme et science fournissent des moyens distincts d’intervention. La chasse par envoûtement du gibier est une technique issue de l’esprit magique, la thérapeutique par invocation de divinités ou de saints une technique issue de l’esprit religieux, la marine à voiles une technique issue de l’esprit empirique, la navigation spatiale une technique issue de l’esprit scientifique. Il y a aussi l’action en retour de la technologie sur la science. Il devient de plus en plus évident, en effet, que les progrès techniques amènent à poser autrement les questions d’ordre scientifique, à modifier complètement le concept même d’explication scientifique. Nous avons donc une technique de quadruple origine. Nous ne posons pas le problème de l’efficacité. Mais il est utile de ne jamais oublier ces quatre sources. Car on assiste quelquefois à d’inattendues résurgences. Le rapport entre science et technologie n’est donc pas un simple lien de cause à effet, il y a entre ces deux activités comme un rapport dialectique (Kranzberg, 1968 ; Jevons, 1976). Mais la technologie ne dialogue pas uniquement avec la science, elle compose, consciemment ou non (à quand une psychanalyse de la technique ?), avec l’esprit empirique du « manuel », l’esprit religieux du croyant, l’esprit magique (la pensée sauvage) de tout le monde. L’importance pratique de la connaissance de cette situation ? Elle nous parait double (en dehors de sa portée politique : Mayr, 1976). D’abord, elle éclaire peut-être la question des attitudes du public face au développement de la science et aux promesses de la technologie. Certaines déceptions manifestées vis-à-vis des techniques contemporaines entrainent parfois, un peu vite, par généralisation, un discrédit de la science. Les distinguos subtils ne sont pas à la portée de tout le monde, et nous croyons avoir montré ce qu’en l’occurence la distinction a de délicat. Ensuite, et ce sera notre conclusion, la réflexion sur les relations entre science et technologie devrait être le préliminaire à tout effort en matière de « recherche appliquée », qu’il s’agisse de la détermination des objectifs à atteindre ou de l’inventaire des moyens disponibles, humains et matériels.

REFERENCES
J. C. Beaune, 1976. – Variations sur la définition du terme « technologie ». Et. Philos. (1976) : 183-196.
M. Daumas, 1962. – Préface générale à l’Histoire des Techniques, 3 vol., P.U.F., Paris.
F. R. Jevons, 1976. – The interaction of science and technology today, or, is science the mother of invention ? Techn. Cult. 17 : 729-742.
M. Kranzberg, 1968. – The disunity of science-technology. American Scientist 56 : 21-34.
O. Mayr, 1976.- The science-technology relationship as a historiographic problem. Techn. Cult. 17 : 663-673.
B. Saint-Sernin, 1976.- Paradoxes technologiques des sociétés modernes. Et. Philos. (1976) : 197-207.

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