Journée d’études organisée par le Centre National d’Histoire des Sciences et l’Institut des Hautes Etudes de Belgique (ULB).
Quand? le 24 septembre 2021 de 10h à 17h
Où? à KBR
Comment? Participation gratuite mais réservation obligatoire via le formulaire https://forms.gle/jqrvtFMha7iYBvmJA
Inscriptions clôturées jeudi 23 septembre à midi.
Trop de professeurs de mathématiques se contentent encore de suivre un manuel, donnant à leurs élèves l’image d’une discipline essentiellement technique, que l’on peut résumer à : on apprend – faute de comprendre, souvent – la théorie, les théorèmes, les propriétés, et on les applique ensuite pour résoudre des exercices imaginés ad hoc.
A l’opposé, l’histoire des mathématiques nous montre que chaque théorème, chaque propriété a été découvert et élaboré pour résoudre un problème, concret ou non, qui s’est présenté à la sagacité des chercheurs d’alors.
Les enseignants savent que les mathématiques ont une histoire, un développement problématique. Pourquoi ne le dévoilent-ils pas à leurs élèves ? Est-ce trop complexe, ont-ils peur de manquer de temps pour boucler leur sacro-saint programme ?
Pourtant, cette approche historique ne serait-elle pas plus pourvue de sens que l’approche technique évoquée plus haut ? Le gain de sens ainsi obtenu ne compenserait-il pas avantageusement l’hypothétique perte de temps, par rapport au programme ?
La journée d’études « L’histoire des mathématiques donne-t-elle du sens à l’enseignement ? » tentera de répondre à ces questions en confrontant différents points de vue et différentes expériences présentés par des enseignants-chercheurs provenant de Belgique et de pays voisins, sachant que l’approche des mathématiques à l’aide de leur histoire y est plus ou moins encouragée. L’éducation nationale française, par exemple, a récemment élaboré un nouveau programme de mathématiques, qui précise quels moments de l’histoire des mathématiques doivent être envisagés par le professeur, en rapport avec le chapitre étudié. Les programmes belges francophones sont beaucoup moins précis sur ce point, mais on peut espérer que la réforme de la formation initiale des enseignants (RFIE) en tiendra compte plus largement.
En matinée, chaque intervenant aura la possibilité de présenter sa propre approche de la problématique, à l’aide d’exemples choisis et vécus. Après quoi, une table ronde permettra de présenter et confronter les recommandations – et les questions qu’elles posent – des institutions pédagogiques de chacun des pays représentés, ainsi que les points de vue des intervenants. L’après-midi sera plus particulièrement consacrée à des ateliers permettant aux participants de vivre un moment d’enseignement des mathématiques dans un contexte historique.
Organisation de la journée :
10h00. Accueil des participants
10h10. Présentation de la journée
10h20. J.M.Delire : « De l’Egypte à l’Inde, via la Grèce, enseigner les mathématiques dans des formes nouvelles, mieux motivées »
10h50. M.Moyon : « L’histoire des mathématiques pour penser autrement l’enseignement »
11h20. Pause café
11h40. F.Métin : « L’histoire des mathématiques dans les classes : questionner les pratiques, s’interroger sur le savoir »
12h10. D.van den Bogaart : Présentation de l’atelier « The roots of square-roots »
12h20. Table-ronde : « L’histoire des mathématiques dans les programmes – la formation initiale des enseignants »
13h10. Repas
14h30. Ateliers : D.van den Bogaarts (Les racines des racines carrées), F.Métin (Sur le thème des mathématiques pratiques), J.M.Delire (De l’Egypte à l’Inde, via la Grèce)
16h. Conclusion de la journée et pause café
Présentation des exposés (matin)
J.M.Delire : « De l’Egypte à l’Inde, via la Grèce, enseigner les mathématiques dans des formes nouvelles, mieux motivées »
Trop de professeurs de mathématiques se contentent encore de suivre un manuel, donnant à leurs élèves l’image d’une discipline essentiellement technique, que l’on peut résumer à : on apprend – faute de comprendre, souvent – la théorie, les théorèmes, les propriétés, et on les applique ensuite pour résoudre des exercices imaginés ad hoc.
Ceci n’est pas une caricature, mais la conclusion que je tire de mes observations en tant que formateur d’enseignants amené à visiter les classes de nombreux collègues, maîtres de stage de mes étudiants – futurs enseignants.
Comment faire autrement ? Comment donner des mathématiques une image moins rébarbative, pourvue de sens, en s’inspirant des connaissances non techniques que nos étudiants – futurs enseignants ont forcément acquises durant leur formation, qu’ils aient bénéficié d’une formation en histoire des mathématiques, ou non ?
Nous montrerons quelques exemples de ce type d’approche. Bien que tirés des mathématiques égyptiennes, grecques et indiennes, ils tournent tous autour de notions géométriques au programme des trois premières années du secondaire et peuvent être implémentés en classe d’une manière donnant du sens – je dirais même de l’âme – aux propriétés en question.
L’atelier de l’après-midi sera consacré à l’expérimentation, comme en classe, de ces activités à l’aide du matériel adéquat.
Orientation bibliographique
J.M.Delire (2020), Pyramides, théorème de Thalès et instruments sur le terrain, Les Editions HE2B et ASIA asbl, Bruxelles, 30 p.
J.M.Delire (2018), Mathématiques Multiculturelles I – Arithmétique, Algèbre, Géométrie élémentaire, volume 3 de la Collection Sciences, Arts et Cultures, Les Editions HE2B, Bruxelles, 431 p.
J.M.Delire (2014), « Mathematical Activities in the Classroom on the Occasion of the Exhibition « Art et Savoir de l’Inde » During the Festival Europalia-India (Brussels, October 2013 – January 2014) », Proceedings of the Seventh European Summer University on History and Epistemology in Mathematics Education (Copenhague, 14-18 July 2014), Aarhus University, pp.627-636.
R.J.Gillings (1982), Mathematics in the Time of the Pharaohs, Dover, New York.
Greek Mathematical Works, vol.I Thales to Euclid, translated by Ivor Thomas, Loeb Classical Library n°335, 1980 (1e éd.1939)
M.Moyon : « L’histoire des mathématiques pour penser autrement l’enseignement »
Aujourd’hui, aussi bien dans l’enseignement primaire que secondaire, il paraît de plus en plus important de penser autrement l’enseignement des mathématiques pour qu’il intègre pleinement des dimensions humaines, historiques, sociales et culturelles du savoir tout en travaillant la technicité et les automatismes nécessaires à une bonne pratique des mathématiques. Ma réflexion s’orientera autour de deux axes. D’abord, je présenterai quelques éléments d’un enquête menée auprès de plusieurs centaines d’enseignant·e·s français·e·s de mathématiques, reprenant certaines des questions déjà posées dans Siu [2007] afin de dégager le rôle d’un·e historien·ne des mathématiques formateur·rice d’enseignant·e·s. Dans un second temps, à partir de plusieurs expériences menées directement en classe (principalement à partir de Moyon [2019a, 2019b] et Moyon et Tournès [2018]), je défendrai et illustrerai mes idées autour de l’introduction d’une perspective historique dans l’enseignement des mathématiques.
Orientation bibliographique
Man-Keung Siu (2007) « No, I don’t use history of mathematics in my class. Why ? », in Fulvia Furinghetti, Sten Kaijser & Constantinos Tzanakis (éds), Proceedings HPM2004 & ESU4, Uppsala, Uppsala Universitet, 368–382.
Marc Moyon, Dominique Tournès (2018) Passerelles. Enseigner les mathématiques par leur histoire au cycle 3. Bouc-Bel-Air, ARPEME.
Marc Moyon (2019a) « Récréations mathématiques et algorithmique dans le Liber abaci de Fibonacci (XIIIe siècle) », in Nathalie Chevalarias, Michèle Gandit, Marcel Morales & Dominique Tournès (éd.), Mathématiques récréatives : Éclairages historiques et épistémologiques, Grenoble, UGA Éditions, EDP Sciences, 225–252.
Marc Moyon (2019b) « Teaching Mathematics and Algorithmics with Recreational Problems: The Liber Abaci of Fibonacci », in Évelyne Barbin, Uffe Jankvist, Tinne Hoff Kjeldsen, Bjørn Smestad & Costa Tzanakis (éd.), Proceedings of the Eighth European Summer University on History and Epistemology in mathematics Education (ESU-8), Oslo, Oslo Metropolitan University, 417–436.
Frédéric Métin : « L’histoire des mathématiques dans les classes : questionner les pratiques, s’interroger sur le savoir »
« les essais d’introduction d’une perspective historique en classe se heurtent à plusieurs obstacles, tant du côté des enseignants que de celui des élèves et des étudiants : d’abord, si les apports culturels ne rencontrent pas un terrain déjà pourvu de repères historiques, les séances de mathématiques basées sur l’histoire risquent fort d’engendrer davantage de confusion que d’éclairage. Ensuite, les pratiques enseignantes reviennent souvent à de timides essais d’incursion dans l’histoire générale, dans le but avoué de rendre les leçons plus vivantes à l’aide d’anecdotes piquantes (l’aventure du théorème de Fermat, la folie de Pythagore, le rôle des mouches dans la géométrie cartésienne…), voire pittoresques mais probablement totalement fake (la pyramidologie, le nombre d’or chez Pacioli, la corde à treize nœuds…) qui permettent de donner un peu de mystère aux contenus, mais à condition d’oublier la vérification des sources.
Donc donner du sens, oui, mais où se situe la frontière entre une utilisation rigoureuse des textes ou des anecdotes biographiques et le picorage destiné à illustrer le propos ? Car en France en ce moment, les professeurs de mathématiques de lycée font face à l’inclusion dans les programmes d’incitations à utiliser des références historiques sur des sujets divers et variés. Or la plupart n’ont jamais lu de textes anciens et sont désemparés face à l’étendue des connaissances à maîtriser avant d’évoquer certains pans importants mais ardus de l’histoire des notions mathématiques, par exemple l’apport de Viète à l’algèbre.
L’une des pistes fécondes expérimentées depuis des années de part et d’autre de Quiévrain est l’appui sur des ressources anciennes de mathématiques pratiques, qu’il s’agisse de géométrie, d’arithmétique, d’algèbre ou autres. Les textes sont vus comme des sources de problèmes et de questionnements sur le savoir mathématique, acquis tant bien que mal mais mis à l’épreuve de la compréhension lorsqu’il est paré d’habits anciens. »
Orientation bibliographique
Frédéric Métin, « Using history for Math in EFL teaching: Original texts and cultural approach in the classroom » in Barbin, Hwang, & Tzanakis (Eds.), Proceedings of HPM 2012 – The HPM Satellite Meeting of ICME-12, Daejeon: Korean Society of Mathematical Education & Korean Society for History of Mathematics, 2012, p. 313-322.Marc Moyon, Dominique Tournès (dir.), Passerelles. Enseigner les mathématiques par leur histoire au cycle 3. Bouc-Bel-Air, ARPEME, 2018
Frédéric Métin, « Between words and artefacts: implementing history in the math class from kindergarten to teacher training », in Barbin, Jankvist, Hoff Kjeldsen, Smestad & Tzanakis (Eds.), Proceedings of the Eighth European Summer University on History and Epistemology in mathematics Education, Oslo, Oslo Metropolitan University, 2019, p. 375-395.
Desiree van den Bogaart : Présentation de l’atelier « Les racines des racines carrées »
Dans cet atelier, vous participerez à un escape game constitué d’une histoire et d’énigmes inspirées par l’histoire des mathématiques. Le thème de l’escape game est « Les racines des racines carrées ». Mon expérience professionnelle et mes expérimentations avec les élèves m’incitent à penser que l’histoire des mathématiques et ce type d’activité se combinent plutôt bien. L’histoire des mathématiques offre beaucoup d’histoires à raconter et d’énigmes à résoudre.
Après une courte introduction, les participants formeront des groupes. Chaque groupe disposera alors de 60 minutes maximum pour terminer le jeu. Une horloge marquera le temps qui s’écoule, pour enrichir l’expérience, et il faudra trouver des clés réelles pour s’échapper. Lorsque chaque groupe aura terminé son jeu, les participants seront invités à décrire individuellement leur expérience. Nous discuterons ensuite en groupe à la fois du contenu et de la forme de l’escape game. Qu’avez-vous pensé des énigmes et de l’histoire ? Et croyez-vous que ce type d’activité pourrait être utile dans votre propre classe ? À quel(s) niveau(x) et avec quel contenu ? Nous terminerons l’atelier par quelques principes utiles pour créer votre propre escape game inspiré par (l’histoire des) mathématiques.