1987 – 10(1)

De même que leur nombre, la rétribution des médecins et chirurgiens pensionnaires varia sensiblement selon les époques, avec, le plus souvent, un net avantage pour les premiers. De plus, médecins et chirurgiens n’étaient pas tous engagés aux mêmes conditions par la ville. Ainsi Antoine d’Ath, reçu en qualité de chirurgien pensionnaire le 5 juin 1518 n’obtint qu’une pension annuelle de 4 livres, tandis que Jean de le Fontaine, nommé le 19 novembre 1519 touchait 12 livres [[A. V. M., n° 1299, Registre aux résolutions, 1509/1522, f°282r° et 351r°; A.V.M., Compte, 1517/1518, f°40v°; A. V. M., Compte, 1519/1520, f°44v°. ]]. En 1527/1528, la ville alloua une pension de 120 livres par an au médecin; elle rétribua aussi cinq chirurgiens dont deux portaient le titre de maître-chirurgien et touchaient 80 et 12 livres par an, tandis que la pension des trois autres était de 12,6 et 4 livres par an [[A. V. M., Compte, 1527/1528, f°38r°. ]]. En 1554/1555, la ville rétribua quatre médecins et quatre chirurgiens. Trois médecins touchaient 50 livres par an, le quatrième 6 livres; les trois chirurgiens ne recevaient que 12 livres et le quatrième 6 livres [[ A. V. M., Compte, 1554/1555, f°140°v°, 141r°. ]]. Le 9 février 1591, le magistrat nomma deux médecins pensionnaires, Thomas le Huvetier et Louis Dupret, le premier aux appointements annuels de 50 livres, le second de 12 livres [[ A. V. M., n° 1307, Registre aux résolutions, 1581/1593, f°407°, 416v°, 418r°; A.V.M., Compte des maltôtes, 1593/1594, f°50v°, 54r°. ]]. La profession de chirurgien était mal payée quand elle était exercée par une femme et n’était, dans ce cas, reconnue qu’après toutes les autres professions médicales [[R.DARQUENNE, L’obstétrique aux XVIIIe et XIXe siècles. Pratique. Enseignement. Législation, dans Ecoles et Livres d’école en Hainaut du XVIe au XIXe siècle (Editions Universitaires de Mons; Série « Sciences Humaines », t.Ier,), Université de Mons, Mons, 1971, p. 185. ]]: en 1429, Gertrude de Puttepance ne recevait que 8 livres par an [[A. V. M., Compte, 1429/1430, f°19r°, 27r°. ]] et 12 livres en 1433 [[A. V. M., Compte, 1433/1434, f°22r°. ]], alors que la pension du chirurgien en titre était de 20 livres.

La différence de rémunération entre médecins et chirurgiens s’expliquait par le profond fossé qui les sépara jusqu’au XVIIIe siècle. Les chirurgiens étaient considérés comme gens de petit métier et tenus à l’écart par les médecins qui témoignaient d’un grand mépris pour l’acte chirurgical. Leur profession était regardée comme purement manuelle et ils se voyaient rejetés dans la corporation des barbiers, ciriers et graissiers. Les médecins se bornaient à donner des indications sans œuvrer eux-mêmes et se déchargeaient sur les chirurgiens de toute intervention nécessitant l’emploi de la main ou de certains instruments [[E. LECLAIR, Histoire de la chirurgie…, p. 9; Fr. VAN LANGENDONCK, La pratique de la médecine dans nos provinces avant la révolution française, dans LE SCALPEL, 84e année, n° 10, 1931, p. 152 – 153; M. BARIETY et Ch. COURY, Histoire de la médecine, p. 392; R. DARQUENNE, L’obstétrique … , p. 193. ]]. Ce ne fut qu’au XVIIIe siècle que l’ascension sociale des chirurgiens fut consacrée et leur art élevé à la dignité de profession libérale[[J. RIGAL, La communauté des maîtres chirurgiens jurés de Paris au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, 1936, p. 94 et ss. ; R. DARQUENNE, L’obstétrique … p. 194 – 195. ]].

Le magistrat devait aussi assurer l’organisation du service de lutte contre les maladies contagieuses. Aussi, parmi les médecins et chirurgiens, une place particulière doit-elle être donnée à ceux chargés de soigner les malades atteints de la peste. A Mons, ce praticien n’apparut que dans le premier quart du XVIe siècle, lors de l’épidémie qui éclata en Hainaut en 1514 [[ A. V. M., Compte, 1514/1515, f°49v°; A. V. M., Compte, 1515/1516, f°61v°; A. V. M., n° 1299, Registre aux résolutions, 1509/1522, f°155v°. – Pour ce qui concerne les chirurgiens de la peste, nous nous permettons de renvoyer à la communication que nous avons présentée au 7e Congrès Benelux d’Histoire des Sciences qui s’est tenu à Gand du 18 au 21 octobre 1973, intitulée: Les chirurgiens de la peste à Mons au XVIe siècle dans JANUS, t. LX, 1973, pp. 101-113. ]]. Le Hainaut connut des épidémies de peste bien avant le XVIe siècle. Une des plus cruelles éclata au milieu du XIVe siècle. La peste noire, peste bubonique avec inflammation des ganglions, compliquée de symptômes pulmonaires, vint d’Orient. En Hainaut, elle fut d’une virulence exceptionnelle au cours de l’été de 1349. Elle frappa surtout le sud et le centre du comté, tandis que sa partie septentrionale était relativement épargnée [[G. SIVERY, Le Hainaut et la peste noire, dans MEMOIRES ET PUBLICATIONS DE LA SOCIETE DES SCIENCES, DES ARTS ET DES LETTRES DU HAINAUT, t. LXXIX, 1965, p. 444. ]]. Un demi-siècle plus tard, en 1400 et en 1401, une nouvelle épidémie décima le Hainaut; elle fut particulièrement violente de juin à septembre 1400, puis elle décrut pour disparaître complètement au cours de l’année 1401 [[Sur cette épidémie, voir G. DECAMPS, La maladie contagieuse de 1400 – 1401 à Mons et dans le Hainaut, dans ANNALES DU CERCLE ARCHEOLOGIQUE DE MONS, t. XLI, 1912, p. 133 – 156. ]]. Il appartenait au magistrat urbain de mettre sur pied un service destiné à combattre les maladies contagieuses et singulièrement la peste. Déjà pendant l’épidémie de 1348, des mesures contre la contagion furent prises pour la première fois. Les autorités montoises firent construire de petites loges pour les malades le long de la Trouille, près de la Porte de la Guérite et on se servit, pour permettre aux pestiférés d’assister à la messe, d’une chapelle dédiée à saint Pierre, située entre la ville et le village d’Hyon, sur un pré appartenant à l’abbaye de Lobbes [[F. HACHEZ, Les fondations charitables de Mons, dans ANNALES DU CERCLE ARCHEOLOGIQUE DE MONS, t. Ier, 1857, p. 189; L. DEVILLERS, La procession de Mons, dans ANNALES DU CERCLE ARCHEOLOGIQUE DE MONS, t. Ier, 1857, p. 114. ]]. Ce ne fut toutefois qu’au XVIe siècle qu’un chirurgien fut officiellement rétribué par la ville pour soigner les pestiférés. Au milieu du XVIe siècle, ce praticien touchait 200 livres par an en temps d’épidémie et 100 livres en temps ordinaire [[Voir le contrat passé entre Bernardin Le Tondeur et la ville de Mons le 8 juillet 1557; A. V. M., Charte n° 700. Cet acte est publié partiellement par A. LACROIX, Notice chronologique et analytique sur les épidémies et épizooties qui ont régné en Hainaut à diverses époques, de 1006 à 1832 (Variétés Historiques, n° 4), Bruxelles, 1844, p. 19-20. Nous avons publié ce texte intégralement en annexe de notre article déjà cité sur les chirurgiens de la peste à Mons au XVIe siècle. ]]. Il n’était accepté qu’après avoir subi un examen d’ailleurs très sommaire puisqu’il devait surtout prouver son habileté dans l’art de la saignée [[A.V.M., Compte, 1554/1555, f°232v°: « A maistre Olivier du Rieu et Anthoine Mauclercq, chirurgiens, pour leur sallaire d’avoir assisté et esté present a l’examen de maistre Bernardin Le Tondeur, esleu et receu a saigneur de peste, qu’alors il saignya ung compaignon..». ]]. Au XVIIe siècle, les appointements du chirurgien de la peste étaient plus importants: 300 livres par an et un supplément de 200 livres en période d’épidémie [[Voir le contrat passé entre la ville de Mons et Thierry de Bailleul le 18 décembre 1628; ARCHIVES DE L’ETAT A MONS (A. E. M.). Archives Locales, P. 1070 bis. ]].

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