1986 – 9(1)

Quant à la problématique, il convient de l’esquisser ici à grands traits. Elle est essentielle, comme dans tout domaine du savoir, où il importe par dessus tout de poser des questions éclairantes, la solution venant, souvent, par surcroît. Les réponses ont d’ailleurs une portée actuelle indéniable car, en définitive, étudier les phénomènes technologiques et industriels dans leur durée, c’est rechercher les conditions du changement et de l’innovation, leur origine, leurs effets, les facteurs qui s’y opposent et ceux qui les favorisent. On peut citer ici, à titre d’exemples, quelques réflexions susceptibles d’approfondir cette notion. Il y a, d’entrée de jeu, celles qui portent sur la technologie. Celle-ci est-elle continue dans son évolution ou bien présente-t-elle des césures? Quelles sont les conditions du « décollage » et de l’avance technologiques ou, à l’inverse, celles du retard en ce domaine? Quels en sont les effets induits, les « retombées » ? Comment peut-on favoriser la créativité? Et dans quelle mesure la formation, la structure législative, la conjoncture économique l’influencent-elles?

Une des conclusions de cette interrogation des faits anciens est l’interconnexion des techniques. Elles forment des systèmes technologiques, avec une part d’impondérables cependant, qui ne se réduisent pas à des modèles quantifiables parce qu’ils dépendent surtout de facteurs humains.

L’étude de l’industrialisation débouche évidemment aussi sur des questions d’ordre économico-social. Comment, par exemple, l’acquisition des matières premières modifie-t-elle les procédés de transformation? Ou bien, de quelle manière les structures sociales se mettent-elles en place et quelle relation y a-t-il entre elles et l’organisation de la production? La vision du tissu économique débouche à son tour sur la notion d’occupation de l’espace et, de façon plus générale, l’environnement. Comment se déroule l’industrialisation et, à l’inverse, la désindustrialisation, avec ses corollaires: l’obsolescence de la technique et de l’habitat, la taudification, les « friches » industrielles? Quels sont les effets de la « banlieurdisation », de la « tertiarisation »? En prenant en compte ces divers éléments, on peut envisager avec moins d’approximation l’aménagement du territoire et la planification.

En définitive, l’archéologie industrielle au sens large débouche sur une véritable analyse culturelle, tant l’industrie a modelé notre genre de vie.

Le niveau général et élevé auquel la sphère de réflexion de cette discipline peut prétendre ne doit cependant pas occulter ni, à la limite, supplanter les tâches fondamentales que l’on attend d’elle: recenser, décrire, conserver et mettre en valeur les vestiges de plus de deux siècles de civilisation matérielle. Cette mission, elle doit l’assumer avec enthousiasme, certes, mais avec rigueur, avec probité et avec discernement. Car c’est bien d’une démarche scientifique qu’il s’agit, même si elle répond à des aspirations viscérales de notre temps: le besoin d’identité, la quête de racines, la recherche de valeurs de référence, le besoin de se perpétuer dans une tradition, mais aussi celui de transcender les acquis du passé.

On ne s’étonnera donc pas si le message de cette publication est d’abord un appel au travail bien fait dans un cadre précis. Si nous négligeons ce précepte, les générations futures auront le droit de nous le reprocher. Il s’adresse au premier chef, aux archéologues, aux historiens, et aux techniciens, ainsi qu’à tous ceux qui peuvent être appelés à unir leurs efforts dans cette foulée. Mais le trait va plus loin, car il interpelle tout autant les responsables des secteur public et privé qui n’ont pas toujours eu la conscience aiguë du patrimoine technologique à préserver. Il n’y a pas de futur sans passé. La technologie n’échappe pas non plus à cette règle d’or.

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Saint-Nicolas : ancienne filature J. Vander Aa. En-tête de lettre.
Sint-Niklaas: voormalige spinnerij J. Vander Aa. Briefhoofd.

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