1983 – 6(4)

Ce sera généralement sous cette désignation de « montreur de serpent(s) » que l’on désignera cette pièce dans divers catalogues (par exemple Bertrang 1935; Mariën 1945: 138; Dubois 1946).

Par contre Lefebvre se demande s’il ne s’agit pas d’une allusion au « rite relatif au culte du dieu celtique adoré sous la forme d’un serpent crêté » (1975: n° 36). L’hypothèse est présentée sans argumentation et sans références bibliographiques. Il ne s’agit cependant pas d’une idée originale, car la description publiée par Espérandieu (1913 : 216-217) parle d’un « long serpent à crête » et il rappelle que C. Jullian a fait observer que le geste du personnage « est celui des Druides dans Tacite ».

La même opinion avait également été avancée par Welter (1911 : 62-63) qui y voyait une nouvelle variante du « Mercure barbu ou serpent cornu ».

Cette idée a vraisemblablement été empruntée à Salomon Reinach qui, dans divers travaux, s’est attaché au problème du serpent cornu ou Zagreus (par exemple 1899, 1905 ). S. Reinach montre que le mythe de Zagreus serait l’amalgame de trois récits distincts (1899) et que le serpent cornu n’est pas un attribut de divinité car il est figuré de manière indépendante à côté des douze dieux du Panthéon romain, mais qu’il s’agit d’un dieu primitif, le serpent à tête de bélier, qui sera plus tard identifié à Mercure.

Il énumère tous les monuments où un serpent, cornu selon lui, est figuré, en soulignant qu’ils ont tous été trouvés dans l’Est de la Gaule. Enfin, il considère que l’« œuf de serpent » (Ovum anguinum), dont parle Pline dans son Histoire Naturelle (XXIX, 52) à propos des Druides, serait une survivance d’un mythe préhistorique et il suppose que ce mythe, tout comme celui du serpent cornu, aurait été transmis directement des Thraces aux Celtes.

Il ne m’appartient pas de juger l’opinion de S. Reinach, mais on peut toutefois constater qu’il a audacieusement rapproché des thèmes mythiques indépendants et qu’il a défendu l’hypothèse du transfert direct des Thraces aux Celtes d’un amalgame qui serait d’inspiration grecque.

Il existe bien des serpents criocéphales sur des fibules à la fois dans la région pannonique et en Gaule, mais faut-il à partir de cette constatation ramener nécessairement toute représentation de serpent en Gaule au serpent cornu?

D’autre part il est exact que beaucoup de reliefs figurant des serpents ont été trouvés dans l’Est de la France (voir par exemple Espérandieu 1915: p.143 n° 4786, pp. 164-165 n° 4831, pp. 168-169 n° 4839 pour ceux de Xertigny et de Sommérécourt), mais d’autres existaient surtout en pays trévire: ceux d’Arlon, car il existe une autre gravure avec peut-être deux serpents posés à plat, qui proviendrait des ruines des thermes (Sibenaler 1907, Espérandieu 1913: p. 278), celui de Luxembourg – Clausen, tous ceux de Trèves (au moins six), celui de Neumagen (voir par exemple: Espérandieu 1913 : pp. 278, 303-304, n° 4193; et 1915 : pp. 218 n° 4921, 241 n° 4968, 242 n° 4969, 270-271 n° 5033, 284-285 n° 5076, 287 n° 5983, 350 n° 5151).

Il est incontestable que dans la plupart des cas le serpent n’est pas cornu et qu’il est le plus souvent figuré dans une scène purement naturaliste sans aucun rapport avec l’homme. C’est la règle pour toutes les gravures de Trèves par exemple. Par contre, dans les Vosges (à Xertigny), en Haute-Marne (à Sommérécourt), à Luxembourg et à Beauvais (Espérandieu 1913: pp. 155-156 n° 3919), le serpent est associé à un homme ou à une femme. Aucune de ces gravures n’est comparable à celle d’Arlon.

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