1983 – 6(2)

Quoi qu’il en soit, les ouvrages de l’érudit liégeois en question, l’éminent jurisconsulte Mathias-Guillaume de Louvrex (1665-1734) furent appréciés et favorablement commentés dans la Gazette.

Bien plus tard, en 1758, le Recueil des édits, règlemens, privilèges, concordats et traitez du pays de Liège et du comté de Looz de Louvrex, publié en trois volumes in-folio, entre 1714 et 1735[[ Certains critiques considèrent qu’au moins une partie du troisième volume aurait été rédigée par Foullon.]] , se retrouve sur la table de travail de l’académicien chimiste Jean Hellot, lorsque la crise des mines du milieu du XVIIIème siècle l’obligea de se pencher sur le problème épineux de la législation minière [[ Les papiers de Jean Hellot (Bibliothèque municipale de Caen) constituant dix cahiers manuscrits (4259 pages, 8552 notes et observations) ne représentent qu’une partie de tout ce que le savant avait extrait et compulsé sur les questions techniques et administratives liées à l’exploitation des mines et comprennent 1447 notes et observations se rapportant à des problèmes de géologie, minéralogie et travaux miniers, soit 17 % du total de ses notes et observations. On doit d’ailleurs leur ajouter les registres manuscrits MS 2755 et MS 2756 de la Bibliothèque Mazarine de Paris, recueils de documentation de Jean Hellot et qui contiennent des notes et des observations touchant aux mines, à l’extraction minière et à la métallurgie. Les problèmes de la législation minière (ancienne et courante) y sont bien représentés.]] .

De date relativement récente et peu développée, l’extraction du charbon connaissait encore les dures épreuves du début et était loin de jouer tout son rôle, déjà possible, dans l’économie générale du pays. Combustible utile à faire marcher les fours et les fourneaux industriels et matière industrielle de remplacement – pour pallier au déboisement du pays – le charbon était déjà trop important au milieu du XVIIIème siècle pour qu’on laisse son exploitation au gré du hasard et de la bonne ou mauvaise volonté de ses exploitants, comme il arrivait bien souvent dans le cas des mines métalliques. De graves problèmes de propriété et de droits d’accès aux gisements, d’investissements et de techniques d’extraction obligèrent le Pouvoir à intervenir dans la crise qui, en dehors du malaise général qui en résultait, constituait aussi une certaine école politique social-populaire, car les actes émanant du Roi ou des ministres sous forme de concessions étaient à la discrétion des révoltés et des mutins.

Il se formait ainsi une mentalité de rébellion qui inquiétait le Gouvernement, un apprentissage de révolution (Rouff, 1922). L’action du Pouvoir se concrétisa par l’Arrêt ou Règlement du 14 janvier 1744, émanant du Conseil d’Etat du Roi, fondé sur un rapport du contrôleur des Finances d’Orry et à la rédaction duquel Jean Hellot apporta une contribution essentielle. Le nouveau Règlement prêchait l’énergie et rejetait la liberté indéfinie qui avait permis des entreprises «dangereuses» et « sans précautions», nuisibles à l’avenir de la richesse minérale du pays. Pour ce faire, l’Arrêt de 1744 mettait en place de nouveaux rapports entre l’Etat et les concessionnaires et établissait des règles précises quant à l’exploitation des mines de charbon. Les stipulations du règlement garantissaient un minimum de conditions de sécurité aux travailleurs du sous-sol.

Tous les historiens des exploitations de mines et du régime minier en France sont unanimes à considérer l’Arrêt de 1744 comme le plus important de toute l’histoire des mines de France, en cela qu’il comprenait en germe, dans son texte, toute la législation future dans ce domaine si important pour l’économie du pays. Mais, ce régime était fondé sur l’idée des concessions et non sur le principe de l’accession à la propriété du tréfonds. Plus approprié aux besoins de l’Etat et à l’épanouissement de son économie, issu presque en entier des recherches et des convictions personnelles de Jean Hellot, il faillit être aboli en 1758.

Avocat d’un libéralisme avant la lettre et en fait précurseur des physiocrates, Vincent de Gournay, Intendant du Commerce et membre du Bureau de Commerce s’attaque au règlement de 1744 dénonçant la mauvaise gestion économique des régies et compagnies et, au nom de la libéralisation du commerce et de la prétendue nécessité de mise en place d’un régime de libre concurrence et de liberté totale d’entreprise, réclama l’abolition de l’Arrêt. Une abolition qui devait représenter dans le fond un remplacement, car Gournay avança pour ce faire, son propre projet. Celui-ci fut soumis au Conseil le 1er mars 1758.

L’intendant des Finances Charles-Daniel Trudaine demanda l’avis de Jean Hellot. Ce dernier taxa le projet de Vincent de Gournay de ridicule et rédigea une note à l’intention du Conseil. Les objections détaillées de Jean Hellot aboutirent au rejet en bloc du projet. Le régime des mines de charbon reste soumis à la prédominance de l’Etat. Par la suite il sera même renforcé, en 1783, par une confirmation royale. Le dirigisme d’Etat sortit victorieux de l’épreuve de 1758. Le procès perdu à cette date fut gagné – peut-on dire- en recours, en 1791. La « loi des Mines» issue des débats de l’assemblée nationale s’aligna en effet sur les points de vue du libéralisme économique préconisés par Vincent de Gournay en 1758. Néanmoins, vu la situation des mines de charbon en 1758, l’adoption du projet de Vincent de Gournay à l’époque se serait avérée catastrophique.

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