1983 – 6(2)

Géométrie

Le tableau est assez clair, grâce aux travaux de Paul Tannery (1922) et l’Abbé Clerval (1901), Albert Van de Vijver (1937), Robert Halleux (1976), A. J. M. Smeur (1968, 1974) et Menso Folkerts (1970).

A la première génération appartient Adelbold (mort en 1027, écolâtre de Lobbes) qui correspond avec Gerbert sur l’aire du triangle équilatéral (Bubnov, 1899) et sur le volume de la sphère. A la deuxième génération appartient la correspondance échangée dans les années 1020-1027 entre Radulphe, professeur à Liège et Ragimbold, écolâtre de Cologne sur la géométrie des triangles, et le De quadratura circuli de Francon (écolâtre de Liège) écrit vers 1050.

Les problèmes géométriques leur sont posés par les commentaires d’œuvres philosophiques de la fin de l’antiquité, très commentés au moyen âge: le commentaire de Macrobe au Songe de Scipion de Cicéron, et le commentaire de Boèce aux Catégories d’Aristote. Pour les résoudre, ils puisent uniquement dans les arpenteurs romains, c’est-à-dire des recueils de recettes pour mesurer les champs. Ces textes sont capables de résoudre des cas concrets, mais pas de donner des démonstrations. C’est pourquoi les géomètres mosans n’ont pas la notion de démonstration géométrique. Ils prennent un exemple chiffré repris parfois textuellement aux arpenteurs.

Il n’y a pas d’Euclide dans la période d’infiltration. C’est au XIIème siècle que les Eléments s’’introduisent avec les trois traductions partielles d’Adélard, celle d’Hermann de Carinthie, celle de Gérard de Crémone. Ce bagage intellectuel est commun à toutes les écoles.
Menso Folkerts a observé de larges concordances de sources et de méthodes avec des œuvres des IX- Xèmes siècles, comme la Geometrica Incerti auctoris et la première géométrie apocryphe de Boèce, et des œuvres du XIème siècle comme la Géométrie de Gerbert et la deuxième géométrie apocryphe de Boèce qu’il tient pour un texte lotharingien (Folkerts, 1970).

Arithmétique

La tradition conserve les noms de plusieurs auteurs virtuoses au calcul de l’abaque. Une seule œuvre subsiste, les Regulae de numerorum abaci rationibus, « Règles pour le calcul des nombres sur l’abaque» (Bubnov, 1899) d’Heriger de Lobbes, collaborateur de Notger (avant 950, + 1007). On sait que l’abaque est une planche à colonnes où on calcule avec des jetons. Il est connu dès l’antiquité. Mais sur l’abaque d’Heriger, les jetons (apices) portent des chiffres de 1 à 9 et prennent une valeur de position selon leur colonne, unités, dizaines, centaines, jusqu’à 10 26. Cette technique n’est pas antique. Elle est connue dans le monde arabe aux VIII-IXèmes siècles, moins pour la haute arithmétique que pour les calculs commerciaux (Youschkevitch, 1976).

Le texte d’Heriger ne dit pas quelle espèce de chiffres se trouvaient sur les apices. Or, Guy Beaujouan (1966) a montré que c’était par les apices que les chiffres arabes d’Occident (gubar) s’étaient introduits en Europe et que les formes diverses qu’ils ont dans les manuscrits s’expliquent par la rotation des apices (on ne savait pas dans quel sens les mettre). D’autre part, Richard Lemay (1977) a montré le rôle de l’Espagne (où ils sont attestés depuis 972) dans la transmission de ces signes.

Voici le premier trait d’influence arabe, et là encore le pays de Liège n’est pas isolé. Gerbert écrivit un traité sur l’abaque (Bubnov, 1899) et selon l’abaciste Bernelinus, cet art florissait en Lotharingie.

Astronomie

Aucune œuvre ne nous est parvenue. On connaît de nombreux computistes, qui puisent dans la tradition chrétienne du haut moyen âge.
Mais Radulphe écrit à Ragimbold [[ Radulphe, lettre n° 5, Tannery-Clerval Astrolabium misissem vobis judicandum, sed est nobis exemplar ad alliud construendum: cujus de scientia si quid affectatis, ad missam sancti Lan(berti) non vos pigeat advenire. Forsitan non penitebit: alioquin videre tantummodo astrolabium non magis iuvabit quam « lippum pictae tabulae, fomenta podagrum ».]]: je vous aurais envoyé un astrolabe pour que vous l’examiniez, mais nous avons besoin du nôtre pour en construire une copie. Si vous souhaitez vous en informer, venez à la messe de Saint Lambert. Car il ne suffit pas de voir simplement un astrolabe.

Cette simple mention est une des premières attestations de l’astrolabe en Occident et une mention importante de science arabe.
L’astrolabe fut mis au point par les Grecs à la fin de l’antiquité (VIème siècle), perfectionné et très utilisé par les Arabes. En Occident, ses attestations à l’époque de Bède et à l’époque carolingienne ne sont pas sûres, ou bien il s’agit d’instruments de type grec.

Sa présence à Liège n’est pas un phénomène isolé. Le catalogue de la bibliothèque d’Anchin au XIème siècle mentionne un Liber de astrolabio (Gessler, 1935). Vers 1050, Hermann le Contrefait, moine de Reichenau donne à ce sujet un traité plein de mots arabes Drecker, 1931 ).

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