1979 – 2(3/4)

L’ingénieur? connais pas!

On est loin de cette situation centrale, et l’on peut parcourir des histoires des techniques, par ailleurs éventuellement excellentes, sans que le mot ingénieur apparaisse une seule fois. Tempérons un peu: d’excellentes études ont été réalisées sur l’ingénieur à différentes époques, mais il faut bien admettre qu’il est parfois oublié. Si l’on a pu dire que l’histoire des sciences est trop souvent une hagiographie par l’importance excessive que prend le souci biographique dans cette discipline, le reproche ne peut certes pas être adressé à l’histoire des techniques.

Si l’on veut que s’édifie une véritable histoire de la technique, c’est-à-dire une discipline scientifique explicative du phénomène « progrès technique », il paraît évident qu’il importe de tenter d’abord d’effectuer le relevé complet des facteurs de ce progrès particulier. Il paraît non moins évident que parmi ces facteurs, les agents humains occupent une place essentielle, avec, parmi eux, privilégiés par leur formation même et par leur inclination, les ingénieurs. Nous ne préconisons nullement, bien qu’elle puisse se révéler intéressante, une intensification de la recherche biographique sur les ingénieurs qui auraient joué un rôle insigne dans le développement technologique. Dans cette optique, l’approche biographique est même peut-être périmée par rapport à des études psychologiques (caractérologiques ou psychanalytiques) de la catégorie socio-professionnelle en question. Ce qui pour nous est une lacune dans maints textes d’histoire de la technique, c’est de n’avoir pas assez considéré le niveau de formation et l’horizon culturel des hommes qui ont fait cette technique.

Plus généralement encore, nous aimerions que l’histoire des techniques ne craigne pas de faire appel aux données de l’histoire de l’enseignement. Que la description des machines et des dispositifs n’oublie ni le concepteur ni l’utilisateur.

Une histoire de la formation des ingénieurs présenterait donc un intérêt certain dans le cadre des préoccupations de l’historien de la technique. Mais d’autres intérêts sont en jeu. Signalons-en quelques-uns au passage, bien qu’il ne s’agisse pas de nos préoccupations actuelles, plus modestement limitées à l’apport du sujet à l’histoire des techniques.

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