1978 – n°1 – mars

RECENSIONES

Charles K. HYDES (1977) Technological change and
the British Iron Industry 1700-1870.

Ed. : Princeton University Press, 283 p.
Ce livre, de belle et sobre présentation, illustré d’une carte et de nombreux tableaux et graphiques, est l’aboutissement en librairie d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université du Wisconsin.
Divisée en deux parties articulées autour de la défaite de Napoléon (1700-1815, puis 1815-1870), cette étude abondamment documentée (importante bibliographie in fine) développe en somme, sur un cas précis et particulièrement important, l’idée fondamentale du rapport réciproque, dans l’histoire industrielle, du technique et de l’économique. L’auteur montre en effet que la vitesse de diffusion d’une nouvelle technique dépend des diminutions de coût qu’elle entraîne, et il montre d’autre part que le principal impact des changements technologiques est l’accroissement de la productivité.
On le voit, l’auteur s’est plus attaché à démonter les mécanismes de la diffusion des nouvelles techniques qu’à l’étude des inventions elles-mêmes. Point de vue qui lui permettra de définir deux stades de cette diffusion : gestation period et supersession period. Et de constater que ces deux périodes (dont la somme constitue le temps entre l’invention et l’adoption préférentielle de la nouvelle technique par rapport à celle qu’elle visait à remplacer) deviennent, toujours, de plus en plus courtes.

J.C. Baudet


G. CELIS et E. NZIKOBANYANKA (1976) La métallurgie traditionnelle au Burundi – Techniques et croyances. Archives d’anthropologie, n° 25, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren, 214 p., 4 cartes, 10 fig., 27 photos.

Le métal est travaillé depuis au moins 2.000 ans en Afrique centrale. Les techniques de cette métallurgie pré-industrielle, pour rudimentaires qu’elles puissent paraître, peuvent se révéler d’une efficacité surprenante. Certaines tribus avaient inventé un procédé similaire au « Hancok jigg » pour concentrer le minerai de cuivre, d’autres connaissaient des hauts-fourneaux en terre où un ingénieux système de tirage et de préchauffage du vent permettait de produire des aciers à haute teneur en carbone. Longtemps inchangés, ces procédés de l’âge du fer sont progressivement abandonnés de nos jours. Avec eux, disparaît une organisation sociale où l’activité métallurgique jouait un rôle prépondérant, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan symbolique, politique, économique, voire religieux. L’Afrique noire étant une des seules régions du monde où un tel type de société peut encore être étudié, il importe de recueillir un maximum d’informations sur la métallurgie traditionnelle avant qu’il ne soit trop tard.

C’est ce qu’ont très bien compris les auteurs de cette remarquable étude consacrée aux différents aspects de la métallurgie au Burundi. Ils se sont d’abord attachés à situer brièvement, par l’interview de deux vieux notables, la place des fondeurs et forgerons dans la société rundi. Dans un second chapitre, les auteurs passent en revue les fonderies et les forges qu’ils ont eu l’occasion d’étudier dans les différentes régions du pays. La récolte systématique des données relatives aux étapes de la fonte du fer, à la forme des fourneaux, à leur charge, aux outils, au travail de la forge et aux différents objets qui y sont fabriqués a permis de mettre en évidence des variations techniques régionales d’une ampleur insoupçonnée. On observe parfois des ateliers proches dont les techniques sont très différentes, alors qu’ailleurs dans le royaume des techniques semblables restent pratiquement inchangées sur un très vaste territoire. D’après les auteurs, de telles variations pourraient correspondre à un découpage politique antérieur à la création du Burundi par l’aristocratie tutsi. L’étude technologique rejoint ainsi l’ethnohistoire. Après avoir traité en deux brefs chapitres des différents types de lances et de flèches ainsi que des quelques forgerons que l’on rencontre chez les pygmées, les auteurs nous livrent leurs observations sur le travail du cuivre et du laiton. Ces métaux servaient principalement à fabriquer des parures, surtout des anneaux. Vient ensuite la description des techniques de tréfilage. Enfin, les forgerons taillant aussi des coquillages et fabriquant des bracelets d’archer, en bois incrusté de métal, deux chapitres sont consacrés à ces aspects de leur activité.

Bien illustré, cet ouvrage est d’une lecture facile.
Il est particulièrement heureux que le texte en kirundi des déclamations et des chants qui accompagnent le travail du métal soit retranscrit avec sa traduction et des notes critiques. Cette étude est l’une des plus détaillée jamais réalisée sur la métallurgie en Afrique centrale. On regrettera cependant que certaines informations de caractère ethnographique n’aient pas été plus exploitées, de même quelques observations techniques auraient pu être replacées avec profit dans un contexte géographique plus large. Il est également dommage que l’étude scientifique des opérations de fonte qui ont été reconstituées n’aient pu faire l’objet de mesures précises. Des thermocouples placés dans les tuyères et la mesure des températures en différents points des fourneaux pendant la fonte nous auraient fourni des indications précieuses sur l’efficacité des différents procédés rencontrés.

Malgré ces quelques lacunes, qui s’expliquent en partie par les évènements dramatiques qui abrégèrent ces recherches, cet ouvrage exemplaire apporte une contribution majeure à notre connaissance de la métallurgie traditionnelle.

Pareilles enquêtes peuvent être effectuées par des amateurs s’intéressant à la technologie; elles ne nécessitent pas de gros moyens et apportent une quantité considérable de nouvelles données dans un domaine trop longtemps négligé. Espérons que cette recherche en suscitera d’autres et que de tels ouvrages se multiplieront avant que ces techniques ancestrales ne disparaissent à jamais.

P. de Maret

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