Par exemple, dans un questionnaire d’anatomie du III/IVème siècle (I.A. 111), le caecum (c’est-à-dire, étymologiquement, « intestin aveugle ») est défini de la manière suivante (recto, 2-5) : « Pourquoi l’appelle-t-on caecum? Du fait qu’il ne possède pas d’ouverture, alors que tous les autres (intestins) en possèdent une et sont pourvus d’un passage ». Un questionnaire d’ophtalmologie du IIème siècle de notre ère (I.A. 147) étudie ainsi la sémiotique, l’étiologie, les critères de différenciation et la thérapeutique du staphylome (col. II, 68-93):
« Qu’est-ce que le staphylome? Une saillie, dans la région de la pupille, comme un grain de raisin. Comment se produit le staphylome? Ou bien par atonie de la cornée avec déchirure, ou bien par écoulement invétéré d’humeurs et relâchement. En quoi différent les staphylomes? Ils diffèrent entre eux par la taille, la couleur, la nature, la localisation. Chirurgie du staphylome. Il faut enfoncer une aiguille à travers la base du staphylome, de haut en bas, et, à travers la fissure qu’on y a faite, une autre aiguille munie d’un fil double, à partir du petit coin de l’œil; en entourant le staphylome, nous l’étranglons ».
Il y a enfin les aide-mémoire réservés à l’usage personnel, comme ce manuel d’ophtalmologie du IIème siècle de notre ère (I.A. 170). Le papyrus provient d’un rouleau qui contenait des recettes. Son propriétaire, probablement oculiste, a ajouté de sa main, au verso, des notes personnelles qui sont relatives à l’étiologie de plusieurs affections des yeux. Par exemple (IV E, 2-5) : « La sécrétion d’un flux salé ou nitreux est la cause de la sclérophtalmie. L’épaisseur du flux et la présence de viscosités sont la cause du phimosis » . Le mot « sclérophtalmie », qui n’est plus usité en ophtalmologie moderne, désigne la blépharite marginale, tandis que le mot « phimosis » désigne encore de nos jours (avec le terme « blépharophimosis ») une malformation palpébrale aboutissant à une trop petite ouverture de la fente des paupières. Lorsqu’on étudie de près le contenu de tels aide-mémoire, on y trouve un certain éclectisme face aux théories alors admises, des imprécisions et, peut-être, des erreurs.
A côté de la médecine savante, « rationnelle », il existe, dans l’Egypte gréco-romaine, une autre médecine, irrationnelle, magique: la médecine traditionnelle. On peut surtout s’en faire une idée à partir des témoignages littéraires, archéologiques, épigraphiques et papyrologiques. Cette médecine, qui remonte au fond des âges, semble avoir été profondément influencée par les vieilles croyances égyptiennes (Gorteman, 1957; Préaux, 1978). Les Lagides eux-mêmes recourent à ses pratiques, puisqu’ils n’hésitent pas à recommander leur personne aux dieux guérisseurs de l’Egypte. Ainsi, dans une inscription dédicatoire gravée sur un socle monumental, Ptolémée II Philadelphe (285-247) remercie le dieu thébain Khonsou de l’avoir guéri d’une affection très grave (Jonckheere, 1952)[[Pour l’inscription, voir K. Sethe, Hier. Urk. der Gr.-Röm. Zeit, Heft 1, n° 22 (Weihinschrift auf dem Granitsockel eines Denkmals der König Ptolemäus Philadelphe); G. Dressy, Notes et remarques. Rec. Trav., t. 16 (1894), p. 43 (XCIII). ]].
Par ailleurs, les pèlerinages populaires à prétentions médicales ont la faveur de la clientèle hellénique. Comme les grands temples, les centres de pèlerinages se sont adjoint depuis longtemps des officines médicales: leurs prêtres sont aussi des guérisseurs et l’on se rend auprès d’eux pour consulter (Jouget, 1923; Cumont, 1937; Bataille, 1951; Leca, 1971; Ghalioungui, 1983). Il y a plusieurs exemples de ces petits sanctuaires thérapeutiques, dont les plus connus se trouvent dans le temple d’Hatchepsout à Deir-el-Bahari, dans le temple de Dendérah, et dans le Sérapéum et l’Isieion de Canope (Bernand, 1966; El-Khachab, 1978).