Arrêtons-nous un instant à la contribution de Charles R. Day, le spécialiste (canadien) de l’enseignement technique français. Il expose le développement des Ecoles d’Arts et Métiers (dont on sait qu’elles servirent de modèles, au début du siècle, à certaines Ecoles d’ingénieurs en Belgique). A l’origine (Châlons-sur-Marne, 1803), il s’agit d’une institution napoléonienne ayant pour objectif la formation de contremaîtres. En 1907, Gaston Doumergue, alors ministre, signa la loi autorisant les Ecoles d’Arts et Métiers à délivrer le diplôme d’ingénieur. Enfin, en 1947, ces Ecoles accédèrent au niveau universitaire. Il est utile de noter que, en Belgique, c’est aussi en cette année que les études d’ingénieur agronome furent haussées à ce fameux niveau. L’intérêt de l’étude de Day réside dans la mise en lumière du rôle que joua, tout au long de l’histoire, l’association des « gadzarts », fondée en 1846.
Relevons aussi l’article de Peter Lundgreen, intitulé De l’école spéciale à l’université technique, et qui traite de l’Allemagne (car le livre que nous présentons, s’il étudie surtout la France, aborde également la situation des ingénieurs dans d’autres grands pays).
Il note que – comme en France, et nous ajoutons comme en Belgique – l’histoire de la formation des ingénieurs en Allemagne est marquée par le conflit entre l’enseignement donnant accès à la fonction publique et celui destiné à l’industrie. Il remarque (comme l’ont fait les historiens des techniques en Allemagne, par exemple Frédéric Klemm) que ce n’est qu’en 1899 que « les universités durent se résigner à voir l’empereur Guillaume II octroyer aux écoles supérieures techniques le droit de décerner le doctorat et reconnaitre par là qu’elles n’étaient pas seulement des établissements d’enseignement supérieur mais également de recherche. D’importants laboratoires furent mis en place… ». C’est très exactement la revendication actuelle de l’UFI (Union francophone des Ingénieurs industriels de Belgique) pour les Instituts Supérieurs Industriels créés en 1977, qui n’organisent actuellement que la candidature et l’ingéniorat. Mais ceci est une autre histoire… La recherche en histoire des techniques, pour la période « industrielle » de l’histoire de l’humanité (du XVIIIème siècle à nos jours puisque la période « post-industrielle » n’a pas encore commencé…), dispose maintenant de l’ouvrage qui manquait, où l’on traite de ceux qui firent, et surtout qui consolidèrent, la Révolution industrielle. On peut espérer, pour les années qui viennent, d’importants résultats, le CRCT ayant montré la voie.
Alors que j’entame ma huitième année de « lutte » (quel drôle de mot) pour l’HSTI en tant que domaine de rencontre entre ingénieurs et « humanistes » (encore un drôle de mot), on voudra bien croire que j’ai acquis quelque expérience, et que je ne vais pas entonner le refrain de la « culture » nécessaire aux ingénieurs – bien que le volume du CRCT soit adorné de cette devise: « un ingénieur sans culture ressemble a un lièvre sans os qui dort dans un pâté ». C’est inutile ! Les cultivés savent déjà. Les incultes ne sauront jamais. Car l’ignorance est la meilleure gardienne de la vanité, qui le lui rend bien.
J. C. Baudet
Martine GROULT, éd. (1983)
Documents pour l’histoire du vocabulaire scientifique, n° 5.
Institut national de la Langue Française (CNRS), Paris, II-123 p.Documents pour l’histoire du vocabulaire scientifique, n° 5.
Cette publication du groupement de recherches coordonnées n° 16 du CNRS « Histoire du vocabulaire scientifique » (9, rue Malher, 75004 Paris) rassemble 4 articles.
Claude Bérichon étudie l’introduction des termes « dégénérer », « dégénération », « dégénérescence » dans les ouvrages scientifiques à partir du XVIIème siècle. Louis Médard étudie l’expression « conique dégénérée ». Il a trouvé pour la première fois ce terme (en latin) chez Leibniz et Tschirnhaus, en 1676. Vincent P. Comiti examine les usages du mot « fièvre ».
Enfin, J. L. Fischer et R. Rey s’attachent à l’intéressante question du doublet « taxinomie-taxonomie ». Ils attribuent la paternité de « taxonomie » à Augustin-Pyrame de Candolle (1813), rompant une lance au profit de la graphie « taxinomie », conforme à l’étymologie. Mais a-t-on jamais vu, dans les langues vivantes, l’étymologie s’imposer contre le « bon usage » ?
J. C. Baudet